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Mort d'une duchesse

Mort d'une duchesse

Titel: Mort d'une duchesse Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Elisabeth Eyre
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l’Annonciation. En perruque dorée, bien sûr. Parce que avec ses
cheveux roux, tout le monde le prendrait pour Judas Iscariote.
    Sigismondo hocha la tête et fredonna.
    — Où est-il à présent ?
    — Il a disparu.
    — Disparu ?
    — Il a sans doute eu peur d’être battu. Ce qu’il méritait
en effet, mais la duchesse a ordonné qu’on l’épargne. La très aimable dame !
    — A-t-il été payé ?
    — Je devais recevoir la paie de toute la troupe après le
banquet. On m’avait donné de l’argent pour les costumes et les décors, mais mes
comédiens savaient que je ne pourrais pas les payer avant la fin du spectacle.
    Sans mot dire, Sigismondo refusa d’un signe de tête la coupe
que Niccolo lui tendait et observa ses mains croisées devant lui sur la table. L’anneau
du duc scintillait à la lueur de la bougie.
    — L’avez-vous vu entrer dans la salle ?
    — Bien sûr. Je surveille l’entrée de tous les comédiens,
pour vérifier qu’aucun détail ne cloche. Pourtant, ajouta-t-il en fronçant les
sourcils, des erreurs ont été commises du fait de l’absence de Poggio.
    — Poggio ?
    — Le nain. C’est lui qui devait faire agenouiller l’Homme
sauvage devant le duc. J’avais dit à l’un des autres de le faire à sa place, mais…
    Il haussa les épaules et écarta les mains d’un geste d’impuissance.
    — … ils étaient trop excités.
    Sigismondo émit sur un ton descendant un fredonnement d’acquiescement.
Il ne faisait aucun doute que les nains avaient manifesté une grande agitation.
    — Poggio était le nain du duc. J’avais répété avec lui,
déclara Niccolo sur le ton du professionnel contrarié. Il était très doué. Et
puis…
    Il écarta une fois de plus les bras.
    — … le duc s’est fâché. À  cause d’une plaisanterie que
Poggio n’aurait pas dû faire, portant atteinte, semble-t-il, à la dignité de
Son Altesse la duchesse ; et Poggio a été renvoyé. Chassé de la ville !
Je n’ai pas eu le temps de répéter de façon convenable avec un autre. On
attendait pourtant de moi une représentation impeccable.
    — L’Homme sauvage. Portait-il son masque quand vous l’avez
fait entrer dans la salle ?
    — Naturellement.
    — Quand avez-vous vu son visage pour la dernière fois ?
    Niccolo, surpris, reposa sa coupe et ferma à demi les yeux
pour réfléchir. Il les rouvrit pour jeter un regard circulaire à l’alcôve.
    — Ma foi, c’était ici, dit-il en levant des yeux inquisiteurs
vers Sigismondo. Que se passe-t-il ? Le duc entend-il le punir ?
    Une main écarta le rideau et le garçon à qui Niccolo avait
arraché sa ceinture de feuilles de lierre apparut, toujours accoutré de sa peau
de léopard. Il hésita un instant en découvrant Sigismondo, mais la nouvelle lui
brûlait trop la langue pour qu’il puisse s’empêcher de la livrer.
    — La duchesse ! La duchesse est morte ! Assassinée !
    D’un bond, Niccolo fut sur pied.
    — La duchesse ? Qui l’a tuée ? La malheureuse !
Dieu tout-puissant ! Qui a pu faire une chose pareille ? C’est un
terrible… Qui va me payer ?
    Sigismondo s’était levé plus posément et, alors que Niccolo
faisait mine de rejoindre la foule rassemblée dehors, il le retint par le bras,
de telle sorte que le festaiuolo, emporté par son élan, pivota sur
lui-même.
    — Le costume du sauvage.
    Une douzaine de mains se tendirent vers Niccolo.
    D’étranges personnages à demi vêtus et à moitié maquillés
vociféraient à son adresse, les nains agglutinés autour de ses jambes tiraient
sur son pourpoint, le faisant vaciller. Certains l’informaient de la mort de la
duchesse, d’autres lui réclamaient leur dû.
    — Attendez, attendez, soyez patients…
    — Argent…
    — … promis…
    — … la duchesse…
    — … comment on va manger ?…
    — … de Venise jusqu’ici…
    Un silence s’instaura à l’autre extrémité de la pièce et se
propagea rapidement. Des hommes de Paolo en bleu ardoise et ocre venaient d’entrer,
bientôt suivis du seigneur Paolo en personne. Niccolo joua des coudes pour
aller s’incliner devant lui, s’excuser du remue-ménage et du désordre, présenter
ses condoléances  – murmure peu convaincu de la troupe  – et s’enquérir
de ce que ses comédiens et lui devaient faire. Sigismondo s’adossa au mur, croisa
les bras et attendit.
    Le seigneur Paolo était blême et grave, mais répondit avec
son habituelle amabilité.

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