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Mort d'une duchesse

Mort d'une duchesse

Titel: Mort d'une duchesse Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Elisabeth Eyre
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noirs se portèrent
de nouveau sur l’anneau tandis qu’il congédiait d’un geste une bacchante
importune.
    — Est-elle contrariée par ce qui s’est passé ?
    Le fredonnement de Sigismondo aurait pu signifier n’importe
quoi.
    — Où pouvons-nous parler sans témoins ? s’enquit-il.
    Niccolo arracha une ceinture de feuilles de lierre des mains
d’un garçon en peau de léopard qui l’avait à peine dégrafée, prit son panier d’accessoires
en remorque et entraîna Sigismondo dans une alcôve aussi exiguë que celle de la
duchesse, éclairée comme elle par une unique chandelle. Il invita Sigismondo à
s’asseoir sur un tabouret, lui-même s’installa sur un autre. Entre eux, une
table recouverte d’un tapis était encombrée de petits pots de saindoux coloré
et de soucoupes de maquillage blanc. Au mur une ardoise portait, inscrite en
pattes de mouche presque illisibles, une liste pointée, à moitié effacée et
recouverte d’autres notations.
    — C’est l’Homme sauvage, n’est-ce pas ? Il a tout
fait rater.
    Comme accablé par le poids d’une soudaine fatigue, Niccolo
versa du vin dans une coupe en corne et la tendit à Sigismondo, qui inclina la
tête, leva la coupe à la santé du festaiuolo, la vida d’un trait et la
rendit après en avoir essuyé le bord.
    — Que pouvez-vous me dire de ce sauvage ?
    — Ivre. Il devait être ivre. C’est la seule explication
que je voie. Je n’aurais jamais dû l’engager. J’aurais mieux fait de suivre l’instinct
qui me mettait en garde.
    Il secoua la tête et remplit la coupe de vin.
    — Un vagabond.
    Il porta la coupe à ses lèvres et renversa la tête, ses sombres
boucles graisseuses allant balayer les costumes pendus derrière lui.
    — Cette erreur. Dites-m’en un peu plus.
    Une lourde silhouette serrant entre ses bras un énorme
ballot de soie blanche s’encadra dans l’embrasure de la porte.
    — Où dois-je ranger ceci ?
    — Là, fit Niccolo en tendant le bras derrière Sigismondo.
    Celui-ci se leva, s’empara du paquet de soie et le fourra
dans un panier doublé de tissu posé contre le mur. Puis il se rassit et tira le
rideau qui divisait l’alcôve en deux.
    — Cette erreur, répéta-t-il. Parlez-m’en.
    — Vous l’avez vue de vos yeux ! fit Niccolo en écartant
les bras.
    Un costume décoré d’oreilles et de bouches ouvertes se
décrocha derrière lui. Il le poussa de côté.
    — Il a complètement raté l’allusion à sainte Cécile [4] .
On avait pourtant répété. Impossible qu’il les ait confondues. On lui avait
montré où elles seraient placées. Dame Cecilia était assise juste de l’autre
côté du duc, d’accord, mais comment a-t-il pu confondre la duchesse avec elle ?
Et puis…
    — Si c’est un vagabond, il n’avait peut-être jamais vu
la duchesse auparavant.
    Niccolo renifla d’un air dédaigneux.
    — Dame Cecilia est blonde. On lui avait dit que c’était
la blonde. Comment pouvait-il se tromper ?
    Pourtant, il a donné le cœur à la brune et ignoré la mariée.
    Il enfouit la tête dans ses mains mais s’abstint de s’arracher
les cheveux  – déjà clairsemés sur le devant, comme victimes de précédents
désastres.
    — Où l’avez-vous engagé ?
    — Dans la rue. Il venait d’une troupe ambulante.
    J’ai passé en revue des tas de candidats. Il savait danser. Quand
j’arrive dans une ville…
    Il se rengorgea et aligna devant lui quelques pots de maquillage.
    — … cela se sait aussitôt. Les gens viennent se présenter.
Et il est vrai que pour cette soirée, je cherchais un mime et danseur sortant
de l’ordinaire.
    Il fit courir ses deux doigts tendus au milieu des pots.
    — Vous l’avez vu sur la table ? Pendant les répétitions,
je disposais les assiettes à des endroits différents à chaque fois et il n’en a
jamais touché une. Il devait être ivre.
    — L’avez-vous vu juste avant qu’il entre dans la salle
du banquet ?
    — Je lui ai passé moi-même son costume. Aucun détail ne
m’échappe quand il s’agit de mon art.
    — Vous a-t-il paru ivre à ce moment-là ?
    — Il était le même que d’habitude. Calme. Taciturne. Il
ne parlait à personne.
    — À  quoi ressemblait-il ?
    — Il était pâle. Il avait le visage d’un ange tant qu’il
gardait la bouche fermée, mais sitôt qu’il l’ouvrait il montrait des dents
tordues et parlait comme un gueux. Sinon, il pourrait incarner Gabriel dans un
mime sur

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