Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Mort d'une duchesse

Mort d'une duchesse

Titel: Mort d'une duchesse Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Elisabeth Eyre
Vom Netzwerk:
peine eut-il le temps de
saisir un flambeau que dame Cecilia soulevait le rideau en jetant des coups d’œil
par-dessus son épaule. Elle s’approcha si près de Sigismondo que celui-ci huma
son parfum musqué, mélange de civette et de jasmin.
    — Sa bague, chuchota-t-elle.
    — Sa bague ?
    — Sa bague, la bague que madame la duchesse n’ôtait
jamais de son doigt. Elle ne l’avait plus.

 
CHAPITRE VI
« Est-ce donc moi qui ai tué la duchesse ? »
    Il ne faisait aucun doute que les seules personnes heureuses
ce soir-là dans le duché étaient les mendiants. À  l’extérieur des grilles, ils
se goinfraient à pleines mains de pâtés de venaison, à pleins chapeaux de gelées ;
les visages dégoulinaient de sauce au vinaigre et au poivre. Les enfants se
gorgeaient de pain d’épice, de tanche, de veau aux herbes. Ils goûtaient d’étranges
mélanges, qui leur étaient jusqu’alors inconnus, de safran, de muscade, de
cannelle et de gingembre. Un énorme pâté renversé avait été englouti en quelques
secondes, porc et œufs, amandes et dattes enfournés dans des bouches extatiques,
la pierre nettoyée des moindres miettes de pâtisserie. Le nom du seigneur Paolo
était sans cesse invoqué et béni ; les hommes qui leur avaient apporté les
victuailles ne leur avaient pas dit qui avait pensé à eux, dehors dans le froid,
mais leur livrée était connue de tous.
    Dans le palais, Sigismondo et le jeune page s’inclinèrent l’un
devant l’autre et le page accepta une pièce pour avoir porté le flambeau. Sigismondo
regagna la petite chambre qui lui avait été allouée. Des groupes de serviteurs
chuchotaient dans les coins, prolongeant leur tâche pour pouvoir bavarder à
leur aise. Ils le regardèrent passer, certains se signant comme s’ils étaient
témoins d’un mauvais présage.
    Benno s’était débrouillé pour se procurer un petit brasero
et un fagot de bois. Sa clarté rougeoyante rendait la pièce plus accueillante
et, en entrant, Sigismondo s’immobilisa un instant et sourit. Benno, qui s’était
en plus enveloppé dans le manteau, gigotait pour s’en extraire, mais Sigismondo,
ne s’arrêtant que le temps de garnir le brasero et d’éloigner leur couchage des
étincelles, s’étendit sur la paillasse à côté de lui.
    — Voilà une belle trouvaille.
    — Personne n’en voulait. Je l’ai dégoté dans la pièce
où les comédiens devaient manger.
    — Et toi, tu as dîné ?
    Il flottait dans la pièce un fumet de viande rôtie, et l’air
satisfait qui accompagna le hochement de tête de Benno n’avait rien de
surprenant. De la graisse luisait sur sa barbe.
    — Il y avait de la nourriture partout.
    Sigismondo hocha la tête.
    — Et qu’as-tu entendu ?
    — Certains pensent que le duc a tué sa femme parce qu’elle
avait un amant, et qu’il a placé Leandro Bandini dans sa chambre pour le faire
accuser. Même si elle était coupable d’infidélité, il fallait bien incriminer
quelqu’un, à cause de son frère. Je l’ignorais, mais le frère de la duchesse
est duc, lui aussi. Le duc Ippolyto. On dit que notre duc ne pouvait se contenter
de la tuer : il devait trouver un bouc émissaire.
    Sigismondo fredonna.
    — Ensuite ?
    Benno reprit son récit sans se faire prier, ne s’interrompant
que pour lâcher un rot presque inaudible.
    — Eh bien, un des gardes du duc dit que le jeune Bandini
l’a forcée, puis l’a tuée pour qu’elle ne parle pas, mais qu’il s’est assommé
dans sa précipitation à prendre la fuite.
    Benno produisit un tuyau de plume et entreprit de se curer
les dents.
    — Trop simpliste.
    Benno leva la tête avec une expression de confiance aveugle.
    — Après tout, le duc avait du sang sur la main, dit-il.
Pendant le dîner, vous vous souvenez. Le vin. C’est pourquoi on raconte que le
duc l’a surprise en train de faire l’amour avec l’Homme sauvage, que son mari l’a
tuée et qu’il a jeté Leandro Bandini en prison en attendant de le faire
émasculer, éviscérer et écarteler pour complaire au duc Ippolyto.
    Il tendit le bras vers ses pieds emmitouflés, ramassa par
terre une gourde en cuir et l’inclina avec une telle brusquerie au-dessus de sa
bouche qu’il bascula en arrière et faillit envoyer valdinguer le brasero d’un coup
de pied. D’un geste vif, Sigismondo redressa Benno.
    — Oupff… Il y a eu un autre présage, poursuivit ce dernier
en reprenant son curage de dents, ce qui conférait à

Weitere Kostenlose Bücher