Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Mort d'une duchesse

Mort d'une duchesse

Titel: Mort d'une duchesse Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Elisabeth Eyre
Vom Netzwerk:
écorchait les oreilles était comme la
voix même de l’emprisonnement. Une lanterne sourde fut braquée dans sa
direction, et comme il ne lui était pas aisé de lever un bras, il se contenta
de fermer les yeux. La porte se referma avec une caverneuse irrévocabilité, mais
il crut sentir une présence dans la cellule.
    Leandro jugea possible, voire probable, que le duc ait
envoyé un de ses sbires l’étrangler. La justice, même en cette époque moderne, avait
une fâcheuse tendance à se montrer aussi expéditive que capricieuse.
    Il était accusé du meurtre de la duchesse. Il se souvenait
avoir vu son cadavre, il se souvenait du visage lointain et comme irréel du duc,
avec des yeux aussi vastes et bleus qu’un ciel d’hiver, un visage de cauchemar.
Avait-il rêvé ce cadavre, ce couteau ? Il savait que les criminels
convenables périssaient décemment, dans leur prison, avant que quiconque ne
commence à douter de leur culpabilité. Son père, les amis de son père l’avaient
toujours exprimé sans ambages devant lui.
    On disait le duc miséricordieux. Être étranglé ici et maintenant
eût été une miséricorde, au regard de la torture habituelle.
    La perspective d’une mort rapide ne parvint pourtant pas à
le réjouir.
    La lanterne fut posée sur le sol non loin de lui, et la lumière
filtrant par le panneau ouvert éclaira l’homme accroupi qui le dévisageait.
    Leandro comprit qu’il allait mourir très bientôt. Le duc, dont
la miséricorde s’avérait plus grande encore que ce qu’il pensait, lui envoyait
un prêtre pour le confesser. Les traits puissants étaient mis en relief par la
lumière dorée  – les traits de quelque antique empereur romain, sensuels
et autoritaires. Mais c’est la vision du crâne rasé émergeant du capuchon qui convainquit
Leandro de sa fin prochaine. À  nouveau, ses pensées sombrèrent dans la
confusion ; il ressentit du regret à l’idée d’être aussi jeune et d’avoir
toujours considéré sa vie comme étant devant lui ; il éprouvait aussi la
crainte d’oublier certains de ses péchés en un instant aussi redoutable. Il se
dit que Dieu se montrerait peut-être encore plus miséricordieux que le duc, mais
il n’existait pas d’autre voie pour L’atteindre que d’en passer par Son Église,
par Ses prêtres. Pendant ce temps, l’ecclésiastique avait repris son murmure, assez
fort pour être compris de Leandro malgré les rats  – qui, depuis longtemps
indifférents à la violation de leur intimité, avaient recommencé à gratter
 – mais assez bas pour ne pas être entendu de l’extérieur. La confession
est un sacrement qui n’est pas destiné aux oreilles d’un tiers. Leandro tenta
de se redresser, de se débarrasser de quelque horrible incrustation sur son
menton, d’être le plus présentable possible en cet ultime quart d’heure de paix
corporelle en ce bas monde. Un bras puissant l’aida à se remettre sur pied, et,
pour la première fois, Leandro saisit le sens du murmure, car ce n’était pas du
latin, mais de la langue vernaculaire.
    — Je suis envoyé par le duc. Il m’a donné tout pouvoir
pour vous interroger.
    Leandro retomba de tout son long sur la paille, les membres
flasques. Cet homme n’était pas prêtre.
    C’était un bourreau.
    Le bras puissant le releva et le soutint. Leandro eut l’impression
d’être un pantin manipulé par son maître.
    Il comprit soudain tout le sens de la phrase entendue à l’église : ses entrailles se liquéfièrent. Il espérait de tout son cœur ne pas se
couvrir de honte, mais il imagina les tendons de son corps craquant un à un
sous ce regard impassible.
    La perspective de la strangulation devint soudain extrêmement
désirable.
    — Que s’est-il passé avant l’arrivée du duc ?
    Racontez-moi depuis le début. Comment se fait-il que vous
vous soyez trouvé dans le palais ?
    On lui chuchotait à l’oreille, mais l’intonation était pleine
d’autorité. Leandro, qui souffrait toujours du roulement de tambour sous son
crâne, se demanda faiblement où étaient les instruments de torture et les assistants
du bourreau. Il avait entendu parler du chevalet sur lequel on vous ligotait. Ensuite,
quelqu’un  – un clerc  – transcrivait vos aveux. Tout ceci était si peu
orthodoxe qu’il ne répondit pas.
    La question fut répétée tandis qu’une main lui tâtait avec
précaution le cuir chevelu. Elle trouva un endroit qui le fit grimacer

Weitere Kostenlose Bücher