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Mort d'une duchesse

Mort d'une duchesse

Titel: Mort d'une duchesse Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Elisabeth Eyre
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prières
pour les morts auprès de la dépouille de la duchesse, exposée sous un drap de
velours noir portant les armes de Rocca brodées au fil d’or. De grands cierges
fichés sur des trépieds brûlaient autour d’elle. Avant la messe, le duc s’était
agenouillé au pied du catafalque et avait joint ses prières à celles des
religieux avant de se relever pour contempler le pâle visage. Il le trouva beau
dans la mort, non tel qu’il l’avait vu pour la dernière fois, ni tel qu’il s’était
présenté à son esprit au cours de la nuit, mais beau de la sérénité que des
doigts aimants avaient su lui rendre. La petite fossette à la joue, que la duchesse
présentait toujours même quand elle ne souriait pas, lui donnait l’air d’être
encore vaguement et secrètement amusée.
    Sigismondo trouva le duc arpentant avec agitation son
cabinet de travail. Son secrétaire, un homme au teint sombre doté d’un mince
visage craintif, se tenait devant le lutrin, recopiant au propre sur un
parchemin les notes qu’il avait prises sur ses tablettes. Le grand sceau du duc,
avec cire et rubans, attendait sur la table de marbre. Le chien du duc, nerveux
à l’image de son maître, était assis auprès de l’âtre, suivant de la tête ses allées
et venues. Un immense feu brûlait dans la caverneuse cheminée, d’où une
bourrasque du vent des montagnes refoulait de temps à autre dans la pièce un nuage
de fumée de bois de pommier.
    — Vous voyez cela ?
    Le duc désignait le travail du secrétaire.
    Sigismondo, dont on ne pouvait guère s’attendre qu’il sût ce
qui était écrit, ne put que confirmer qu’il le voyait, et le duc poursuivit :
    — Un messager s’apprête à le porter au duc Ippolyto. Je
l’invite à venir en personne, ou à envoyer ses représentants, assister à l’exécution
de l’assassin de sa sœur. Dans une semaine, pour la Saint-Romualdo.
    Ses pas le portèrent devant la haute fenêtre où, se découpant
sur le bleu pâle du ciel d’hiver, il fixa un instant Sigismondo avant de lui
demander :
    — Est-ce bien Leandro Bandini que nous devrons exécuter ?
    — C’est à Votre Seigneurie de le décider. Cette affaire
comporte certains aspects que Votre Seigneurie souhaiterait sans doute
connaître.
    Les yeux de Sigismondo papillotèrent en direction des pages
et du secrétaire. Le duc les congédia d’un mot, puis fit signe à Sigismondo d’approcher,
et pendant quelques instants les deux hommes regardèrent la place au-dehors, dont
le pavage en motifs descendait en pente douce depuis la cathédrale et le
castello. Des gens allaient et venaient, se rassemblaient en petits groupes
près de la fontaine. Comme d’habitude, des étals avaient été dressés, et, malgré
le froid, clients et vendeurs trouvaient le temps de bavarder. Un bras se tendit
en direction de l’entrée du palais. Des badauds regardaient les hommes du duc
nettoyer le sang sur les portes. Les éclaboussements d’eau et le brouhaha des voix
étaient audibles à travers le verre des carreaux.
    — Que pouvez-vous me dire ?
    — Votre Seigneurie, il a bien été drogué, à l’aide d’une
coupe de vin.
    Le regard du duc le fixa intensément.
    — Par qui ?
    — Il serait incapable de reconnaître l’homme qui l’a
fait boire.
    — Vous n’avez que sa parole ?
    — J’ai pu constater qu’il avait ingurgité de la valériane,
dont on avait dissimulé le goût avec de la verveine, dans une coupe de vin
épicé, lui-même capable de faire passer à peu près n’importe quel goût étrange ;
la drogue lui aura fait perdre le contrôle de ses sens, et il a peut-être eu
des visions.
    — La drogue a-t-elle pu l’inciter à forcer sa victime ?
    La question avait été posée avec calme, mais la voix était
plus implacable que jamais.
    Sigismondo observa un instant la place, où de petites
silhouettes se déplaçaient derrière le verre déformant.
    — Rien n’indique que madame la duchesse l’ait été, dit-il
enfin. Ses poignets ne portaient aucune marque, il n’y avait aucune autre trace
de violence que l’entaille du couteau. Le visage, le cou et les mains de Bandini
ne présentent aucune griffure.
    — Elle l’a pourtant frappé avec son miroir ou avec la
chandelle.
    —  Quelqu’un l’a frappé.
    — À  moins qu’il ne soit tombé en fuyant ?
    — C’est possible, seigneur, répliqua Sigismondo d’un
ton signifiant clairement que, pour lui, cette théorie ne tenait

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