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Mort d'une duchesse

Mort d'une duchesse

Titel: Mort d'une duchesse Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Elisabeth Eyre
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contemplant
son bref avenir.
    — Reconnaîtriez-vous l’homme qui vous a donné votre
déguisement ? Était-ce le même qui vous avait transmis le message ?
    Leandro se prit à nouveau la tête dans les mains, comme pour
empêcher le roulement de tambour de lui faire exploser les tempes.
    — Je n’ai bien vu ni l’un ni l’autre. Le messager avait
un capuchon, l’autre se tenait dans la pénombre. Il me semble qu’ils étaient
tous deux à peu près de la même taille. Et puis j’ai l’esprit si… embrouillé. Mais
il portait autour du cou un tout petit crâne fixé à une chaîne.
    — Le vin, suggéra la voix grave. L’homme qui vous a
remis le déguisement vous a-t-il aussi donné le vin ?
    — Le vin ?
    À  cette seule idée, l’estomac de Leandro se souleva.
    — Vous avez bu du vin.
    La voix énonça le fait avec une tranquille assurance, et
Leandro se souvint.
    — Oui, en effet. Il m’a fait boire une coupe avant que
je mette le masque. C’était du vin chaud épicé, pour me réchauffer  – de
la part de dame Violante, a-t-il précisé. Elle pensait que j’aurais froid.
    Il y eut un bruissement dans la paille, plus bruyant que le
grattement des rats.
    — Voici une chemise et des chausses propres. Elles ne
sont peut-être pas à votre taille, mais ce sera plus convenable que cet
accoutrement.
    En la circonstance, Leandro n’était guère capable d’éprouver
de la surprise. Il ne ressentait que de la perplexité. Il s’efforça toutefois
de coopérer en se débarrassant de son déplaisant costume. Tout en enfilant la chemise
de laine qui sentait bon la lavande, son interrogateur examina le costume d’un
air grave, fredonnant de manière peu flatteuse, puis il orienta la lanterne de
façon à permettre à Leandro de lacer sa chemise.
    Cela fait, il reprit la lanterne et, saisissant avec fermeté
le menton de Leandro, orienta son visage vers la lumière. Leandro voulut se
détourner.
    — Regardez-moi !
    Leandro essaya d’obtempérer. Le volet fut brusquement
rabattu sur la lumière, et la voix grave, dans une obscurité soudain traversée
d’ardentes paraboles, demanda :
    — De quoi vous souvenez-vous au juste depuis que vous
avez absorbé ce vin chaud ?
    — Je me revois en train de marcher. Ensuite… l’image
suivante, c’est quelqu’un qui me soutient et m’oblige à regarder la duchesse.
    Il se tut. La vision, si nette, était celle du cadavre de la
duchesse, mais vu sous un angle différent. Il était à côté d’elle sur le lit, seul,
envahi d’horreur. Il avait tenté de s’échapper, mais était tombé ; il se
souvenait être tombé dans le noir.
    Il détourna la tête en sentant son estomac se retourner et
tenta désespérément de ne pas vomir. Seul un amer liquide lui remonta dans la
bouche.
    Il s’agrippa au bras qui l’avait soutenu pendant sa nausée. Ses
lèvres tremblaient, mais il se tourna vers l’inconnu et demanda :
    — Est-ce moi ? Est-ce donc moi qui ai tué
la duchesse ?

 
CHAPITRE VII
« Ma maîtresse désire vendre cette bague »
    Au cours de cette nuit, ou des quelques heures qu’il en
restait, tandis que Benno et Sigismondo dormaient dans leur petite chambre, que,
dans la sienne, le duc reposait seul, les yeux grands ouverts, sur son vaste
lit, et qu’Agnolo Di Villani jouissait de ses droits, quelqu’un s’affaira à l’extérieur
du palais. Plus tard, dans la chiche lumière d’une aube d’hiver, ceux que leurs
affaires appelaient sur la grand-place en cette heure matinale se rassemblèrent
devant les immenses portes fermant l’entrée principale du castello. Les pavés
ne gardaient aucune trace du banquet des mendiants, les chiens ayant nettoyé ce
que les miséreux n’avaient pu racler. Les passants restaient un moment à fixer
les portes, puis laissaient la place à ceux qui arrivaient. Certains se
signaient, peu osaient risquer un mot. Tous contemplaient le sang, à présent
séché, qui avait dégouliné sur le chêne comme si quelque main géante l’y avait
lancé d’un geste accusateur. Toute explication était inutile. La nouvelle de la
mort de la duchesse s’était déjà répandue dans la ville. Les citoyens de Rocca,
qui avaient à la fois des raisons d’aimer et de redouter leur duc, étaient trop
humains pour ne pas penser déjà au pire.
    Le duc envoya chercher Sigismondo dès qu’il eut assisté à la
messe dans sa chapelle, où les prêtres avaient récité toute la nuit des

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