Mort d'une duchesse
était parfumée. Son odeur musquée flottait dans l’air de la
pièce vide.
— Vous êtes sûre que c’est tout ce qui a disparu ?
— Je connais ses bijoux.
— Étiez-vous la seule à être au fait de cette cachette ?
— La seule, en dehors de Madame. C’est une vieille dame
de compagnie de la duchesse Maria qui me l’avait montrée, mais elle est morte
depuis.
Sigismondo ne fit aucun commentaire ; il était plus que
probable que l’un de ces serviteurs dont fourmillait le palais, et dont la
plupart étaient déjà là avant même le second mariage du duc, avait pu voir l’une
ou l’autre duchesse s’approcher du mur et appuyer sur le panneau.
— Quand avez-vous rangé pour la dernière fois la cassette
avec tous ses bijoux ?
— Quand je l’ai habillée pour le banquet. Elle ne voulait
pas que je l’aide, car j’étais la mariée. Mais qui d’autre aurait pu le faire ?
Qui d’autre aurait pu veiller à ce que les servantes ne fassent pas de bêtises ?
Elles sont toutes si…
Elle se tut, réalisant peut-être qu’à l’instar des servantes
méprisées, elle avait perdu sa position. De sous la batiste qui couvrait son
long cou, elle tira une chaîne d’or en fleurs de rubis.
— Elle m’a donné cela comme cadeau de mariage. C’est la
seule autre pièce qui manque dans la cassette.
Son visage se renfrogna. Elle ferma la boîte et, à ce moment-là,
ressembla plus à une enfant malheureuse qu’à une femme trois fois mariée. Elle
se détourna et posa la cassette sur la table ; elle s’essuya les yeux en imprimant
de gracieux mouvements d’oiseau à sa tête.
— Il vaudrait mieux confier ces bijoux à la garde du
duc, dit-elle brusquement. Il a une chambre forte et je… il semble que je ne
sois pas capable de les surveiller comme il conviendrait.
Des voix leur parvinrent de l’extérieur de la porte, un
filet de voix enfantine et la voix d’un adolescent. Le petit page entra, un
oisillon de garçon, déjà revêtu du tabard de deuil dont lui avait fait cadeau
le duc. Il contourna le lit et écarquilla les yeux en découvrant la haute
silhouette de Sigismondo, mais il n’oublia pas les principes qu’on lui avait
inculqués ; il braqua son regard sur le dos de sa maîtresse et parla avec
un débit rapide.
— Madame, Sa Seigneurie vous réclame dans sa bibliothèque,
avec maître Sigismondo.
Le duc était à sa table, où s’étalaient les plans de sa nouvelle
bibliothèque, parmi les étagères et les lutrins chargés de livres, les alvéoles
contenant les rouleaux de parchemin et les documents. L’architecte à l’allure de
corbeau, avec sa robe de deuil passée sur sa tenue de travail brune, était en
plein exposé, évoquant avec de grands gestes distances, baies ajourées, galeries
et colonnes. Le duc l’arrêta d’un geste et avança vers eux de sa démarche
impétueuse.
— On a retrouvé la bague, annonça-t-il.
Sous le regard fixe de ses yeux bleus, Cecilia Di Villani
fit une profonde révérence.
— Un orfèvre nous l’a rapportée.
— Un orfèvre ?
D’après le ton de sa voix, la corporation des orfèvres tout
entière était aussi étrangère à dame Cecilia qu’une bande de girafes.
— Un nain la lui a vendue.
Cela acheva de décontenancer la dame. Ses lèvres articulèrent
muettement les mots : un nain.
— Quand l’homme a voulu connaître la provenance de la
bague, le nain a répondu que sa maîtresse avait besoin d’argent car elle avait
perdu sa place à la cour en raison du décès de la duchesse.
Dame Cecilia ferma la bouche avec application. Elle leva les
yeux au ciel en papillotant des paupières, puis tendit vaguement la main en
direction de Sigismondo, ce qui s’avéra un bon choix car lorsque ses genoux cédèrent
et que sa tête partit en arrière, il se trouvait derrière elle. La nuque de
dame Cecilia roula sur la poitrine de Sigismondo, défaisant le filet noir qui glissa.
Une quantité surprenante de cheveux blonds s’échappa en cascade sur son visage
alangui et sur le souple cuir retourné du pourpoint noir de Sigismondo.
Par-dessus la tête de dame Cecilia, celui-çi, l’air grave, considérait
le duc, qui parut chagriné.
— C’est ridicule, décréta-t-il… Chacun sait que dame Cecilia
n’a pas besoin d’argent. Elle est tout simplement surmenée. Tel que je le
connais, Di Villani ne l’aura pas ménagée. C’est le genre d’homme à crever
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