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Mourir pour Saragosse

Mourir pour Saragosse

Titel: Mourir pour Saragosse Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Peyramaure
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me tardait de prendre le chemin de l’Espagne. Ce pays m’obsédait à travers les mirages nés des ouvrages de Cervantès. Je rêvais du paradis de l’Andalousie ; j’allais connaître l’enfer de Saragosse.

    La grande idée de l’Empereur était le blocus des ports européens afin de faire barrage au commerce de l’Angleterre, laquelle tenait l’essentiel de sa richesse de ses échanges avec l’Europe. La priver d’aborder les côtes de l’Europe revenait à l’asphyxier. Dans cette gigantesque entreprise, l’Empereur allait se heurter aux négociants français qui risquaient les mêmes déboires.
    L’autre projet de l’Empereur était de faire de l’Europe un marché indépendant. La contrebande, battant son plein, affecterait ce « système des côtes ».

    L’affaire du Portugal allait faire prendre une nouvelle tournure aux événements.
    Cette nation pacifique de nature, royaume neutre sous le règne des Bragance, était partagée entre sa sympathie pour l’Angleterre et sa crainte de contrarier Napoléon. Quant à l’ambition de la cour de Londres, elle consistait à s’allier avec ce pays afin d’en faire un tremplin pour envahir l’Espagne et contraindre les Français à ouvrir un nouveau front sur les Pyrénées.
    L’Empereur allait devancer ces plans en envoyant à Lisbonne une expédition conduite par le général Junot. Timoré, dépourvu d’esprit d’initiative, le roi Jean ne trouva d’autre issue à cette situation que de s’exiler avec sa famille dans sa colonie du Brésil.
    L’Angleterre allait réagir avec vigueur en expédiant au Portugal un corps d’armée de dix mille hommes commandés par le général Wellesley. Elle ouvrait ainsi la voie à une guerre qui allait faire de ce malheureux pays un champ de batailles.
    Après une sévère défaite devant la ville de Vimeiro, Junot dut signer à Cintra, le 30 août de l’année 1808, une convention en vertu de laquelle la flotte anglaise assurerait le rapatriement des troupes françaises à Rochefort, leur épargnant ainsi une humiliante captivité en pays étranger et ennemi.

    J’ignore les raisons motivant la sympathie que me vouait le général Joachim Murat, mais j’y vois volontiers un effet de nos brèves relations passées, en compagnie de François Fournier.
    À mon retour d’exil dans les Abruzzes, il avait sollicité ma présence à son côté comme aide de camp en Espagne. Cet honneur me fut sensible : c’était l’occasion inespérée de donner ma mesure au service de ce héros des guerres d’Italie, d’Égypte et d’Autriche, époux de la sœur de Bonaparte, Caroline, et devenu, par grâce impériale, duc de Berg et de Clèves.
    Il m’avait renouvelé son estime sur le champ de bataille d’Austerlitz, après la charge contre Bagration, par une visite à l’infirmerie de campagne.
    Il allait, en Espagne, témoigner d’une exceptionnelle impétuosité au cours de l’insurrection provoquée par le changement de régime, notamment lors du soulèvement du Dos de Mayo où il avait affronté la rébellion madrilène. J’y participai à contrecœur, à la tête d’une unité de hussards, répugnant à me battre contre des civils, même armés. À Saragosse, j’allais connaître des situations bien pires.

    L’année 1761, le pacte de famille avait confié le royaume d’Espagne à un Bourbon français. La Révolution avait failli faire de ce pays un allié des cours européennes, de l’Angleterre notamment, dans leur lutte contre la France : le traité de San Ildefonso le lui avait interdit. La défaite franco-espagnole de Trafalgar avait été le châtiment de cette décision.
    Le dernier Bourbon d’Espagne, le roi Charles IV, personnage sans consistance, facile à berner, avait pour épouse Marie-Louise, femme ambitieuse et bornée, et comme conseiller l’amant de cette dernière, le prince Manuel de Godoy, ami des Français et suprême représentant d’une cour corrompue.
    L’Empereur ayant entraîné l’Espagne, en dépit de ses réserves, dans le blocus continental, le sort de cette dynastie était joué. Bayonne allait être le théâtre et le dernier acte de cette tragicomédie.
    L’Empereur avait convoqué le roi Charles et son fils, le dauphin Ferdinand, dans cette ville et, par un tour de passe-passe diabolique, leur avait arraché une abdication qui les contraignit à s’exiler en France dans des résidences dignes de leur rang, ce qui était la moindre des

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