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Mourir pour Saragosse

Mourir pour Saragosse

Titel: Mourir pour Saragosse Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Peyramaure
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présence à ses côtés. J’allais m’efforcer, avec le grade de capitaine qui venait de m’échoir, de mériter cet honneur.
    Mon nouveau chef m’avait dit, quelques jours avant notre départ, à Chamartin :
    – Sachez, capitaine Barsac, que cette expédition ne sera pas une partie de plaisir et que nous allons l’assumer avec des forces dérisoires. J’ai l’impression d’avoir quitté ce nid de guêpes de Valence pour un nid de frelons !
    Le général avait du goût pour la métaphore.
    J’étais parti de la capitale des Espagnes doté d’une solide connaissance de la province et de la ville où nous serions appelés à nous battre. Desnouettes avait raison : nous allions être mis à rude épreuve.
    L’Aragon était, au pied des Pyrénées, une province de montagne, pauvre, rude, et qui nous causerait des problèmes de ravitaillement. De plus, nous ne pénétrerions pas dansSaragosse comme dans un moulin, cette vaste cité étant protégée par une enceinte datant des Maures et, en certains points, des Romains, du temps des guerres puniques.
    Située sur la rive droite de l’Èbre, large à cet endroit comme la Dordogne à Libourne, elle était défendue par des portes monumentales. Par un pont robuste, elle communiquait au nord, sur la rive gauche, avec le faubourg d’Arrabal qui, avec ses défenses, faisait pendant à l’Aljaferia.

    Le général Desnouettes semblait vouer à Palafox une sorte de crainte religieuse. Il voyait en lui une créature du diable.
    Ancien brigadier de l’armée du roi Charles, Palafox n’était pas entré de gaieté de cœur dans l’insurrection. Humilié par l’affaire de Bayonne, il cuvait son amertume dans son nid d’aigle au sommet de sa montagne. Il avait fallu qu’on vienne le tirer de cet austère isolement pour qu’il consentît à devenir le chef charismatique des insurgés de sa province.
    On raconte que les mamas aragonaises, pour jauger de la résistance de leurs enfants à la douleur, leur cassent une écuelle de terre sur le crâne. Ceux qui pleurent sont des lâches ; les autres des courageux. Palafox dut être de ces derniers.

    Son premier soin, en arrivant à Saragosse, avait été, en accord avec la junte, d’adresser à la population un manifeste en neuf articles, qui disait dans son préambule :
    Vous m’avez chargé du soin de votre gloire. Je répondrai à votre confiance… Respirez tranquillement et continuez à vous comporter avec honneur.
    La suite constituait un véritable appel aux armes qui me rappela les débuts de la Révolution et « la patrie en danger ».

    Le général Desnouettes s’était plaint de n’avoir sous son commandement qu’une armée « dérisoire », composée en majeure partie de rescapés du siège de Valence. Le généralGrandjean, à la tête des lanciers polonais de Chlopiki, et une unité commandée par le général Verdier allaient prendre la route de Saragosse pour lui apporter des troupes fraîches.
    C’est un corps expéditionnaire de près de dix mille hommes qui entreprendrait le siège de Saragosse et affronterait les forces de Palafox, soit quatre cents soldats, la milice urbaine et quelques milliers de campesinos , paysans descendus de leur montagne armés de fusils, d’escopettes, de tromblons et de couteaux. En rase campagne, ils eussent été balayés ; derrière les murs de la ville, il en allait autrement.

    La progression de notre armée ne fut pas une partie de plaisir. Outre la chaleur étouffante de l’été qui ralentissait notre marche à travers des déserts calcinés et épuisait nos montures, nos arrières et nos convois essuyaient des attaques meurtrières.
    Près de la ville de Mallen, Lefebvre-Desnouettes s’était trouvé face à un frère de Palafox, le marquis de Lazán, qui commandait une petite armée qu’il avait dispersée au canon. Les alertes étaient fréquentes, mais ce n’étaient souvent que des manœuvres de provocation destinées, je présume, à tester la valeur de nos hommes et de nos armes. Nous laissions chaque fois quelques morts sur le terrain, mais l’ennemi, moins bien armé, subissait des pertes plus importantes avant de se disperser dans la montagne.

    Notre expédition prit une autre dimension avec le siège de Saragosse, qui débuta le 15 juin.
    Du haut de la colline du Torrero, au sud de la ville, où nous avions établi notre camp au milieu d’immenses champs d’oliviers dont la plupart avaient été abattus, le spectacle était

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