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Mourir pour Saragosse

Mourir pour Saragosse

Titel: Mourir pour Saragosse Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Peyramaure
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contracta. D’un geste qui lui était familier, il écarta une mèche tombée sur son front et bougonna :
    – Messieurs, je n’en dirai pas plus pour ce soir. Je vous souhaite une bonne nuit.
    En passant près de Rogniat, il lui jeta d’un ton âpre :
    – Votre impertinence a passé les bornes. Rejoignez-moi dans l’heure à mes quartiers.
    Si les sentinelles postées devant la demeure de Lannes n’entendirent pas le tumulte de la querelle, c’est qu’ils devaient être sourds.

    Palafox avait fait jurer à la garnison qui occupait encore les défenses du Monte-Torrero, de n’abandonner leur position qu’au prix du sacrifice suprême. Son intention était dese réserver cette éminence pour en faire son dernier point de résistance. La conquête de cette position allait nous donner du fil à retordre. Les deux mille hommes qui s’y trouvaient l’arme au poing étaient placés sous les ordres de deux généraux : Philippe de Saint-Marc, émigré belge au service du roi Ferdinand, homonyme de l’officier qui avait récemment servi d’émissaire pour Lannes, et Juan O’Neylle, descendant d’une famille irlandaise hispanisée, rescapé de la bataille de Tudela.
    Leurs effectifs étaient composés des régiments de Murcie et de Soria, de volontaires des Castilles et de chasseurs de l’armée de Ferdinand VII. C’étaient les meilleurs éléments de la junte.
    Quelles que fussent leur importance, la puissance de leurs batteries, la qualité de leur encadrement et leur valeur combative, ces troupes, prises dans cette souricière, ne pouvaient espérer nous résister longtemps.

    Un feu d’une extrême violence nous accueillit. Il dura jusqu’à la tombée du jour, nous obligeant à revenir sur nos positions. De toute la nuit qui suivit, pas le moindre bruit, pas la moindre lumière ne témoignant d’une présence. À l’aube, quelle ne fut pas notre surprise en constatant que la coquille était vide !
    Mettant l’ombre à profit, la garnison s’était retirée par le pont dit de l’América, en égorgeant nos sentinelles, pour se replier dans Saragosse. Les motifs de cette décision inouïe allaient faire l’objet de longues discussions au quartier général mais l’essentiel était que cette fuite nous tirait une fameuse épine du pied. Nous aurions pu piétiner longtemps sur les flancs de cette colline aride et perdre beaucoup d’hommes au détriment des opérations du siège proprement dit.

    Le général du génie Haxo débordait d’une telle énergie que je lui demandai s’il prenait le temps de dormir. Il merépondit qu’il y penserait « le moment venu ». Son visage cireux s’était creusé en quelques semaines et il flottait dans son uniforme.
    Cet auxiliaire précieux pour Rogniat, faisait progresser ses équipes, sous terre, mètre après mètre. Il avait gagné les substrats des premières maisons visées dans un quartier du sud-ouest, paroisses des couvents de Santa-Monica et de San-Agustin, déjà fort éprouvés par nos canons.
    La voie qu’il nous traçait allait nous permettre de diriger nos canons sur la caserne de la cavalerie et l’hôpital des Orphelins transformé en fabrique de munitions.
    En certains endroits, les dégâts étaient tels qu’il ne restait des rues plus qu’un tracé à peine visible à travers les décombres. Lorsque je m’aventurais dans ces ruines pour transmettre des messages, j’avais du mal à respirer tant l’odeur des cadavres était partout oppressante. Même mon linge de corps, même mon tabac en étaient imprégnés.

    Le 8 février, le vaste couvent de San-Francisco s’écroula comme un château de cartes. On n’avait pas lésiné sur les explosifs : quinze cents kilos de fougasses, de mines et de fourneaux placés sous la bâtisse. Cette opération mettait fin à l’activité des fabricants de cartouches et de grenades.
    Cet événement avait fait sortir Palafox de son inertie.
    Dans l’heure qui suivit, il avait revêtu son plus bel uniforme et accroché ses distinctions sur sa poitrine pour se présenter aux messieurs de la junte. Il avait édicté une proclamation solennelle à l’adresse de la population pour lui signifier que l’heure de la mobilisation de toutes les forces vives avait sonné. Cet appel fut accompagné d’une parade et d’une revue des troupes devant Notre-Dame del Pilar, suivies d’une harangue prophétique : les Français étaient à bout et la victoire proche.

    Nous étions sur le point

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