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Mourir pour Saragosse

Mourir pour Saragosse

Titel: Mourir pour Saragosse Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Peyramaure
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ou rester à Paris, au quartier général de Berthier, je crus qu’il allait s’étrangler.
    – Il faudrait m’y enfermer, les fers aux pieds ! Je vais partir, capitaine Barsac, et tu vas me suivre. Nous sommes liés à la vie à la mort.
    Les quelques jours qui précédèrent notre départ, nous les passâmes, lui et moi, en joyeuse compagnie, soupant dans les meilleurs restaurants, passant des soirées au théâtre, échangeant nos maîtresses en toute amitié.
    C’est avec regret que je reçus, une semaine plus tard, ma feuille de route : direction l’Allemagne.

    Notre voyage, sous les dernières pluies de mars, n’a pas manqué d’agrément, malgré le temps maussade et les routes mal pavées.
    Lejeune, par je ne sais quel tour de passe-passe, avait obtenu de partager avec son aide de camp la voiture particulière du maréchal Berthier. Nous avions à nos côtés le baron Leduc, le général Salomon, chargé du mouvement des troupes, et deux secrétaires. C’est dire que nous n’étions guère libres de nos mouvements, au point que c’était toute une affaire que de bourrer sa pipe.
    Une fois la frontière franchie, à Strasbourg, nous allions nous trouver dans un étrange et redoutable imbroglio. Berthier et l’archiduc Charles, n’osant prendre l’initiative, s’observaient du coin de l’œil. Chacun passait sans raison apparente d’une position à une autre plus favorable, en espérant que l’ennemi ne serait pas informé de ces mouvements qui ne pouvaient échapper à personne.

    Le 9 avril, sans aucune négociation préalable, l’archiduc avait fait à ses armées une proclamation équivalant à une véritable déclaration de guerre. Il avait reçu de l’empereur François l’ordre de marcher sur nous et de « traiter en ennemies les troupes qui lui opposeraient une résistance ». C’eût été risible si nous n’avions été au bord du gouffre.
    Dans cet invraisemblable méli-mélo, le maréchal Berthier faisait peine à voir. Parvenu avec une forte avant-garde àDonauwörth, sur le Danube, il lisait dépêche sur dépêche sans réagir, comme si cette campagne ne le concernait plus.
    Lejeune tenta de me rassurer :
    – Monsieur le maréchal est inquiet à juste titre des événements qui viennent de se produire en Bavière. La prise de Munich par les Autrichiens a contrecarré les plans de Masséna, sans compter la fuite de la famille royale bavaroise. Berthier préférerait démissionner plutôt que de mettre ce vieil officier en difficulté.

    Le 18 avril, le destin allait se charger de dénouer cet inextricable écheveau : l’Empereur s’était décidé à quitter Paris. Dans l’heure qui suivit la réception de cette nouvelle, Berthier parut reprendre vie, comme une plante longtemps privée de soleil. Je le vis pleurer de joie lorsque Napoléon franchit les portes de Donauwörth et le pressa contre sa poitrine dans le tumulte des salves d’honneur et des chants guerriers.
    Le lendemain, à peine sur pied, l’Empereur rédigea pour ses armées une proclamation qui ne manquait pas de panache. Il était arrivé, disait-il dans son exorde, « avec la rapidité de l’éclair ». L’empereur François, « qui lui avait juré une amitié éternelle », s’était parjuré. Il déclarait en conclusion : « Nos succès passés sont un sûr garant des victoires qui nous attendent. Marchons donc, et qu’à notre aspect l’ennemi reconnaisse son vainqueur ! » Un lyrisme digne de l’Antique…
    Deux jours plus tard, après avoir consulté les cartes et pris connaissance des lieux, il passait à l’offensive.
    Sa stratégie pouvait se résumer en deux mots : célérité et surprise. Lorsqu’il monta en selle, il avait déjà en tête son plan de campagne. Il avait dit au maréchal Davout dans son style télégraphique :
    – Activité ! Activité ! Rapidité ! Je me recommande à vous !

    Au soir du 23 avril, je trouvai Lejeune en proie à une humeur de chien battu.
    – Cette campagne commence mal ! me dit-il. Nous venons de perdre Ratisbonne…
    Il parlait de cette belle ville de Bavière qui, située sur la rive droite du Danube, constituait une position de première importance.
    La veille, à Eckmühl, près de Ratisbonne, nous avions eu du mal à nous dépêtrer d’une rude bataille contre les Autrichiens. Pour éviter l’encerclement, l’archiduc Charles avait traversé le Danube et, dans l’intention de se replier sur Ratisbonne occupée

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