Mylène

est Libertine
    Une clairière à l’heure où résonne encore le hululement des chouettes. Le jour s’est levé, mais la nature semble engourdie. Deux silhouettes sont adossées l’une à l’autre. La caméra s’attarde sur le visage des témoins d’un duel qui s’annonce, imminent. Les deux adversaires marchent à pas comptés. Se retournent. Et chacun pointe son arme dans la direction de l’autre. Celui qui a l’air d’un jeune homme tire le premier. L’autre réplique, mais on a vu la balle, au ralenti, le pénétrer en plein cœur. Il s’écroule, tandis qu’un zoom nous fait mieux découvrir le visage du vainqueur. Une jolie figure androgyne, couleur de craie, les yeux fardés en fer de lance, les lèvres rouge sang. Une femme déguisée en homme, un chevalier d’Éon à l’envers. Elle fait frissonner sa chemise à dentelle, recouverte d’un gilet qui souligne la finesse de la taille.
    Et tandis que la survivante du duel s’enfuit en enfourchant un cheval blanc, s’inscrivent sur l’écran trois mots, « Mylène est Libertine », que le spectateur n’est pas près d’oublier : ça sonne comme un rôle au cinéma, mais c’est bien davantage. Plus de vingt ans après, le personnage lui colle encore à la peau. « Mylène est Libertine. » C’est là, Boutonnat et Le Page le savent, que tout se joue. C’est là que la légende commence ou s’achève. Afin de mettre toutes les chances de leur côté, ils sont décidés à frapper un grand coup.
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    À regarder le clip, une impression de perfection prédomine. Rien n’a été négligé, pas même les détails du décor. Et pourtant, c’est avec des bouts de ficelle que Laurent Boutonnat a conçu ce projet ambitieux, destiné à clouer les spectateurs sur place et imposer sa muse. Et puis, Mylène n’a jamais été aussi belle. La jeune fille aux cheveux châtains de ses deux premiers titres trouve son identité dans ce look historique. Sa beauté éclate au grand jour. Elle est rousse et ça lui va bien. En outre, c’est la première fois qu’une chanteuse apparaît nue dans un clip – tout juste a-t-elle gardé ses bas. Mylène s’est offerte face à la caméra de son mentor. « C’est le paradoxe de l’artiste, confiera-t-elle. On peut accepter les scènes de nu si elles ont un intérêt et si on a l’assurance d’un travail bien fait. J’ai confiance en Laurent Boutonnat. Pourtant, j’appréhendais un peu ces scènes. Ce sont les regards ou les commentaires sur le plateau qui peuvent rendre la situation embarrassante. Là, tout s’est bien passé 110 . »
    Vingt semaines consécutives dans le Top 50, plus de quarante passages télé en 1986 : c’est la chanson qui a tout changé. Composée deux ans plus tôt par Jean-Claude Dequéant, elle s’intitule d’abord « L’amour tutti frutti ». Au départ, c’est un titre rock, que Boutonnat va rendre plus pop, jetant aux orties les paroles initiales signées Georges Sibold. Il écrit le texte au fur et à mesure de l’avancement du play-back. Mylène participe au processus créatif. Ainsi, elle s’amuse à chanter « Je suis une putain », avant que le terme « catin » soit finalement retenu.
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    Le rôle lui va si bien qu’elle le reprendra dans Pourvu qu’elles soient douces , en 1988. Un clip où l’on retrouve les mêmes ingrédients, mais à la puissance dix. Camp militaire reconstitué, soldats en costumes qui s’affrontent sur un champ de bataille, prostituées à demi nues, combat spectaculaire dans la boue, au milieu des explosions, entre Libertine et sa rivale... Avec ce chef-d’œuvre historique, scénarisé comme un véritable court-métrage, qui a mobilisé une centaine de figurants, Mylène aura amplement mérité la première marche du Top 50.
    Libertine, ce n’est pas seulement un garçon manqué qui n’a peur de rien, et surtout pas de prendre des coups. C’est aussi une maîtresse femme, qui goûte une liberté sexuelle absolue. En un regard, elle dit son accord à l’amant qui la désire. Et lorsqu’elle se donne à lui, dans cette chambre aux tentures rouges où crépite un feu de cheminée, elle n’entend pas rester inactive. Après que l’homme s’est étendu sur elle, elle renverse les rôles, histoire de signer son pouvoir. Dans l’étreinte, elle veut garder le contrôle.
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    Un rôle qui vaudra à Mylène de nombreuses questions indiscrètes en interviews. Évidemment, les journalistes veulent savoir si la chanteuse