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[Napoléon 1] Le chant du départ

[Napoléon 1] Le chant du départ

Titel: [Napoléon 1] Le chant du départ Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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manqueriez-vous de courage et de constance ?
    Son cheval piaffe. Le silence tout à coup est rompu. La mer enfle d’une rumeur confuse où il lui est impossible de distinguer l’adhésion ou le refus.
    Le soir, assis en face du général Schérer auquel il succède, il écoute l’officier lui exposer dans le détail la situation sur les différents fronts. Puis Schérer commente la proclamation de la matinée. « Les hommes ont bien réagi », dit-il.
    Comment peut-on se contenter d’une incertitude ?
    Il faut qu’une troupe soit liée à son chef comme les planètes au soleil.
    Comment compter sur elle si chaque homme, chaque unité, chaque officier n’en fait qu’à sa guise, pense d’abord à lui au lieu d’obéir ?
     
    Toute la nuit ne suffit pas à calmer Napoléon.
    Au matin, quand Berthier lui annonce que le 3 e  bataillon de la 209 e  demi-brigade, campée sur la place de la République, est en train de se mutiner, il bondit.
    Suivi par ses aides de camp, il se précipite dans l’escalier, court les rues, se trouve face à ces soldats mutinés et à ces officiers hésitants.
    Mourir plutôt que d’accepter l’insubordination.
    Un vieux soldat qui n’ose pas le regarder lance :
    — Il nous la fout belle avec ses plaines fertiles ! Qu’il commence donc par nous donner des souliers pour y descendre !
    Napoléon s’avance, seul au milieu de la troupe. Il est comme une lame affûtée qui s’enfonce dans une chair molle.
    — Vous ferez traduire devant un conseil militaire les grenadiers, auteurs de la mutinerie…, commence-t-il. Vous ferez arrêter le commandant. Les officiers et les sous-officiers qui sont restés dans les rangs sans parler sont tous coupables…
    Les murmures cessent, les soldats s’alignent. Les officiers baissent la tête.
    Maintenant, je peux vaincre .
     
    Le 2 avril 1796, il se met en route vers Villefranche. Après quelques centaines de mètres, il s’arrête devant une demeure, située au centre d’un jardin. Les troupes passent, marchant d’un bon pas. Il a pris ces hommes en main. Ils vont se battre, ils vont accepter de mourir. Hier, il a fait fusiller des maraudeurs et distribuer de l’eau-de-vie, des louis d’or aux généraux.
    La porte de la demeure s’ouvre. C’est le comte Laurenti et sa fille Emilie. Dix-huit mois seulement ont passé depuis qu’on lui notifiait son arrestation ici, dans cette maison. Qui pourra jamais entraver sa marche ? La mort seule, et elle lui semble impossible. Il n’a pas vingt-sept ans.
    Des officiers l’entourent. La route de la corniche qu’il a choisie est exposée au feu des canons des vaisseaux anglais qui croisent à portée du rivage. Il est imprudent de l’emprunter, disent-ils. Il semble ne pas avoir entendu, embrasse Laurenti et sa fille.
    Un chef doit donner l’exemple et ne pas hésiter à marcher sous le feu.
    Leste, il bondit sur son cheval et, à la tête de son état-major, prend la route de la corniche.
    Les falaises blanches tombent à pic dans une mer calme. L’horizon est vide de toute voile.
    Napoléon se tourne vers Berthier qui chevauche à une tête de cheval derrière lui.
    — La témérité, dit-il, réussit autant de fois qu’elle se perd : pour elle, il y a égalité de chances dans la vie… À la guerre, la fortune est de moitié dans tout.
    Il se tait quelques minutes, puis reprend :
    — À la guerre, l’audace est le plus beau calcul du génie… Il vaut mieux s’abandonner à sa destinée.
    Le 3 avril, le quartier général est à Menton, le 5 à Albenga.
    Les généraux sont là, autour de lui dans une grande pièce blanche, devant une grande table où sont étalées les cartes.
    Leurs corps, leurs visages, leurs armes, leurs uniformes expriment la force, la puissance.
    Mais ils n’osent pas me regarder.
    — Hannibal a passé les Alpes, dit Napoléon. Nous les avons tournées.
    La campagne d’Italie peut commencer.

22.
    Napoléon regarde les bataillons de grenadiers s’engager d’un pas rapide sur la route étroite qui conduit au col de Cadibone. La pente est raide. La montagne domine la mer comme une barrière étroite et haute qui sépare la côte méditerranéenne du Piémont et, au-delà, de la Lombardie.
    Il tire sur les rênes du cheval. Les montures des officiers d’état-major hennissent. En cette aube du 10 avril 1796, le vent souffle de la montagne, apporte les senteurs froides des forêts et des prairies et courbe les lauriers et les fleurs du

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