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[Napoléon 1] Le chant du départ

[Napoléon 1] Le chant du départ

Titel: [Napoléon 1] Le chant du départ Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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faut aussi savoir exagérer la colère qui vous habite.
    — Peut-être demain à six heures votre mari sortira-t-il de prison, et je vous l’enverrai à onze heures avec dix balles dans le ventre, dit-il.
    Saint-Huberty serre son fils contre elle. Elle crie, l’enfant pleure.
    — Mon fils n’est-il pas mûr aussi pour la boucherie ? hurle-t-elle. Quant à moi, je vous conseille de me faire fusiller, car je vous assassinerai partout où je le pourrai…
    Joséphine entre, entraîne Saint-Huberty qui lui lance : « Vous m’aviez dit Robespierre mort, Madame, le voilà ressuscité. Il a soif de notre sang. Il fera bien de le répandre, car je vais à Paris et j’y obtiendrai justice… »
    Robespierre ?
    Se souvenant du frère de Maximilien, Napoléon, en s’éloignant, s’interroge. Peut-être ces hommes-là, terroristes, même s’ils gouvernèrent par la guillotine, étaient-ils d’abord des naïfs.
    D’Antraigues, le 9 juin 1796, accepte de recopier les seize pages remaniées et de les signer. Le portefeuille rouge est expédié à Barras. Les triumvirs du Directoire ont désormais contre Pichegru et les députés royalistes, contre les membres du club de Clichy, une arme décisive.
    — Mon ouvrage, dit Napoléon.
    Il donne l’ordre qu’on laisse D’Antraigues sortir librement en échange de la promesse de ne pas s’évader.
    Qu’il vive. Qu’il s’évade même s’il veut. Le traître ne peut plus rien.
    Ou plutôt si. On ouvre sa correspondance, on transmet ses lettres à Napoléon.
    Un soir, en marchant lentement à travers son bureau, Napoléon lit le portrait que D’Antraigues trace de lui. Il s’arrête souvent comme devant un miroir.
    « Ce génie destructeur, écrit D’Antraigues, … pervers, atroce, méchant, fécond en ressources, s’irritant des obstacles, comptant l’existence pour rien et l’ambition pour tout, voulant être le maître et résolu à périr ou à le devenir, n’ayant de frein sur rien, n’appréciant les vices et les vertus que comme des moyens et n’ayant que la plus profonde indifférence pour l’un ou l’autre, est le cachet de l’homme d’État. Naturellement violent à l’excès mais se refrénant par l’exercice d’une cruauté plus réfléchie qui lui fait suspendre ses fureurs, ajourner ses vengeances, et étant physiquement et moralement dans l’impossibilité d’exister un seul moment en repos… Bonaparte est un homme de petite stature, d’une chétive figure, les yeux ardents, quelque chose dans le regard et la bouche d’atroce, de dissimulé, de perfide, parlant peu, mais se livrant à la parole quand sa vanité est en jeu ou qu’elle est contrariée ; d’une santé très mauvaise, par suite d’une âcreté de sang. Il est couvert de dartres, et ces sortes de maladies accroissent sa violence et son activité.
    « Cet homme est toujours occupé de ses projets, et cela, sans distraction. Il dort trois heures par nuit, ne prend des remèdes que lorsque les souffrances sont insupportables.
    « Cet homme veut maîtriser la France et, par la France, l’Europe. Tout ce qui n’est pas cela lui paraît, même dans ses succès, ne lui offrir que des moyens. Ainsi il vole ouvertement, il pille tout, il se forme un trésor énorme en or, argent, bijoux, pierreries. Mais il ne tient à cela que pour s’en servir. Ce même homme qui volera à fond une communauté donnera un million sans hésiter à l’homme qui peut le servir… Avec lui un marché se fait en deux mots et deux minutes. Voilà ses moyens de séduire. »
     
    Suis-je ainsi ?
    Napoléon sort dans le parc du château de Mombello.
    Il marche. Le vent s’est levé en bourrasque comme souvent le soir, après les violentes chaleurs de l’après-midi. L’orage n’éclate pas toujours, mais l’air est si chargé de foudre qu’il crépite, et parfois semble se déchirer. Les éclairs illuminent le ciel noirâtre au loin, vers les lacs et les montagnes.
    On me voit ainsi. Mes ennemis .
    Vouloir devenir, vouloir imposer sa marque, c’est susciter la calomnie, la haine des envieux, des rivaux.
    On ne peut être sans ennemi. Ceux qui ne sont pas haïs ne sont rien. Ne font rien.
    Suis-je ainsi ?
    Je suis .

27.
    Il pleut. Toute la vallée du Tagliamento est envahie de nuages bas. C’est la fin du mois d’août 1797. Napoléon est sur le perron du château de Passariano. De là il aperçoit, au bout de la grande allée plantée de peupliers, les voitures des

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