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[Napoléon 1] Le chant du départ

[Napoléon 1] Le chant du départ

Titel: [Napoléon 1] Le chant du départ Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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ce fort, ce verrou de tout le dispositif, et pour cela il faut s’emparer de l’Éguillette.
    — Prenez l’Éguillette, et avant huit jours vous entrerez à Toulon, conclut-il.
    Sur le seuil, au moment de quitter la pièce, il lance :
    — Faites votre métier, citoyens représentants, et laissez-moi faire le mien.
     
    Il ne dort plus. Il mange à peine. Mais l’action nourrit, et la certitude d’avoir raison est une source d’énergie sans fin. La sensation qu’on peut changer les choses et les hommes est un ressort que chaque succès comprime davantage.
    Il organise.
    Il me faut chaque jour cinq mille sacs pour les remplir de terre. Il me faut un arsenal avec quatre-vingts forgerons. Il me faut des bois et des madriers. Il me faut des boeufs et des bêtes d’attelage .
    Que Marseille, Nice, La Ciotat, Montpellier fournissent ce dont j’ai besoin .
    Ici il faut élever une batterie, là une autre. Celle-ci sera la batterie de la Convention, et celle-là la batterie Sans-Culotte .
    Napoléon se tient debout sur le parapet de l’une de ces batteries que le feu des canons du général anglais O’Hara a prises pour cibles. Les boulets tombent dru. Napoléon ne cille pas. « Gare, dit-il simplement, voilà une bombe qui arrive. »
    Les hommes autour de lui hésitent à fuir, à se protéger. Un boulet siffle.
    Je ne bouge pas. Rien ne peut m’atteindre. Je suis poussé en avant. Comment ma trajectoire pourrait-elle s’interrompre ? Si j’avance, je ne peux tomber .
    Le souffle le jette à terre. Il se redresse.
    — Qui sait écrire ? demande-t-il.
    Un sergent se présente.
    Cette batterie se nommera, dit Napoléon, « la batterie des Hommes Sans Peur ».
    Le sergent écrit, puis un boulet s’écrase à quelques mètres, couvrant le papier de terre.
    — Voilà qui m’évitera de sécher l’encre, dit le sergent.
    — Ton nom ?
    — Junot.
    Napoléon regarde longuement ce jeune sergent.
    Sentir qu’on oblige les hommes à se dépasser. Les convaincre. Les séduire. Les entraîner. Les contraindre.
    À chaque instant, Napoléon découvre ce plaisir intense, brûlant. Et pour cela ne pas se baisser quand arrive un boulet, dormir dans son manteau à même le sol au milieu de ses soldats, charger à la tête de la troupe sous la grêle de balles, se relever quand le cheval est abattu sous soi, affirmer quand les hommes s’élancent, braves, emportés, même s’ils ont tort : « Le vin est tiré, il faut le boire », et si un général apeuré ordonne le repli le traiter de « jean-foutre ».
     
    Jamais encore Napoléon n’a éprouvé une telle plénitude. Il observe Saliceti et les autres représentants en mission, Gasparin, Barras, Fréron, Ricord, Augustin Robespierre. Il les jauge. Augustin Robespierre est le frère de l’homme qui donne son impulsion au Comité de Salut Public. Saliceti est déjà un vieux compagnon.
    Ceux-là ont le pouvoir. Ils sont les délégués de la Convention. C’est eux qu’il faut convaincre.
    Napoléon entraîne un soir Saliceti sur l’emplacement d’une batterie. Le cheval du représentant est tué. Les balles sifflent. Napoléon se précipite, aide Saliceti à se redresser. Les patrouilles anglaises sont proches. Il faut se dissimuler, marcher en silence, atteindre une autre batterie.
    Là, le canonnier vient d’être tué. Napoléon se saisit du refouloir, et comme un simple soldat aide à charger dix à douze coups. Les autres soldats le regardent, quelqu’un entreprend d’expliquer que le canonnier tué… puis s’interrompt, se contente de se gratter les mains, les bras.
    Le canonnier avait la gale, personne ne touchait son refouloir par crainte de la contagion. Napoléon hausse les épaules. Est-ce qu’on peut s’arrêter à cela, même si dans les jours qui suivent on commence à sentir les effets de la maladie ?
    Pas le temps de se soigner.
     
    Le 29 septembre, les représentants l’ont nommé chef de bataillon. Nouvel élan, nouvelle source d’énergie, nouvelle certitude que l’on peut aller plus loin, plus vite.
    Napoléon, chaque jour, rend visite à Saliceti. Il martèle que son plan est le seul qui puisse faire tomber Toulon. Mais les obstacles sont toujours là.
    Il répète. Parler, c’est comme un feu de salve. Il le dit à ses canonniers : « Il faut tirer sans se décourager et, après cent coups inutiles, le cent unième porte et fait effet. »
    Il sent que Saliceti, Gasparin et plus tard Ricord et Augustin

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