[Napoléon 2] Le soleil d'Austerlitz
gallicane d’indépendance de l’Église de France vis-à-vis de Rome, et le principe selon lequel le gouvernement exerce la police des Cultes.
C’est moi qui vais choisir les évêques .
Et pour célébrer le Concordat, Napoléon a désigné M. de Boisgelin, cardinal archevêque qui, il y a vingt-cinq ans, a prononcé le sermon du sacre de Louis XVI !
Il scrute le visage de Méneval, mais celui-ci écrit sous la dictée. Il est trop jeune pour avoir été jacobin, pour être choqué par cette volonté de renouer la chaîne du temps, de rétablir l’autorité de l’État et la paix religieuse.
Mais quelques-uns se cabrent.
Et certains, dans l’armée, me voudraient mort .
Il les connaît, les Augereau, les Moreau, les Bernadotte, les Lannes, et tant d’autres généraux, « vieilles moustaches » de 1792, qui commencent à traîner leurs éperons à Paris, puisque la paix est faite.
Ils ont pris, dans les villes conquises, l’habitude d’agir à leur guise. Et, désoeuvrés, ils rêvent d’en découdre avec celui qui fut l’un d’eux et dont ils s’imaginent qu’il n’est pas différent d’eux.
Ils veulent me tuer !
Fouché a dû admettre que les renseignements dont je dispose sont exacts .
Lors d’un banquet de généraux et d’officiers, l’un d’eux, le chef d’escadron Donnadieu, a répété qu’il fallait m’assassiner à Notre-Dame si on y célébrait comme prévu le jour de Pâques, 18 avril 1802, un Te Deum afin de promulguer le Concordat et les Articles organiques. Un général qui fut aide de camp d’Augereau, Fournier-Sarlovèse, s’est engagé à abattre le Premier consul dans la nef de la cathédrale. Il s’est vanté d’être un excellent tireur au pistolet.
Qui ne pas soupçonner ?
« On n’est vraiment secondé par ses inférieurs que quand ils savent que vous êtes inflexible. »
Il congédie brutalement Méneval.
Quelques jours plus tard, dans le grand salon de la Malmaison, il reçoit Portalis, Cambacérès, Lebrun, Roederer, pour un Conseil extraordinaire.
À quoi bon leur parler du complot ? On a arrêté le général Fournier-Sarlovèse. Mais qui peut dire qu’il n’aura pas de successeur ? Trop d’hommes, trop de généraux ont la jalousie et l’ambition au coeur. Ils les dissimulent à leurs propres yeux, sous de belles idées jacobines, ces tentures pour hypocrites, afin de cacher l’envie d’être à la première place et la ranceur de ne pas avoir su y accéder.
— Avez-vous remarqué, dit Roederer, qu’en prononçant son discours lors de la réception officielle le cardinal Caprara tremblait comme une feuille ?
Napoléon ne répond pas. La veille, il a en effet constaté l’émotion craintive du légat du pape, dans la salle des Tuileries. Mais il faut se défier des prêtres. Il fait quelques pas dans le jardin, aperçoit Joséphine et Hortense. Peut-il même avoir confiance en ses plus proches ? Un espion de police prétend d’ailleurs que Joseph – mon frère aîné ! – refuse de se trouver aux côtés du Premier consul lors du Te Deum à Notre-Dame, le 18 avril, et qu’il préfère ne pas se mêler aux conseillers d’État ! Il doit avoir eu vent d’un complot et ne tient pas à recevoir une balle ou un éclat.
Napoléon rentre dans ce salon.
— Le Premier consul baisera-t-il la patène ? demande Portalis.
Napoléon s’imagine, agenouillé ou incliné, posant ses lèvres sur la coupelle qui contient l’hostie.
Il a un mouvement de rejet de tout son corps.
— Ne me faites pas faire des choses ridicules, dit-il.
Il ne craint pas seulement les ricanements et les menaces des adversaires du Concordat. Même au Conseil d’État, il y a eu des rires quand Portalis a lu certains passages de l’accord avec le pape. Mais l’opposition des Assemblées a été jugulée grâce aux conseils de Cambacérès. On n’a pas tiré au sort les membres à renouveler, on a simplement désigné les opposants, et deux cent quarante d’entre eux, la quasi-totalité, n’ont plus retrouvé leurs sièges.
Mais c’est plutôt le pouvoir des prêtres qui est inquiétant. Si on leur cède, on fait un marché de dupes. Les prêtres entendent se réserver l’action sur l’intelligence, sur la partie noble de l’homme.
— Ils prétendent me réduire à n’avoir d’action que sur les corps, ajoute Napoléon d’une voix courroucée. Ils gardent l’âme et me jettent le cadavre.
Croit-on qu’il va
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