[Napoléon 3] L'empereur des rois
je mets au jour ? Mais ils sont si simples, ces gens qui m’entourent, qu’ils ne peuvent imaginer que je suis divers en un !
« Je ne sais ce qu’Eugène a pu te dire, reprend-il. Je ne t’ai pas écrit parce que tu ne l’as pas fait, et que j’ai désiré tout ce qui peut t’être agréable.
« Je vois avec plaisir que tu ailles à la Malmaison et que tu sois contente ; moi, je le serai de recevoir de tes nouvelles et de te donner des miennes. Je ne t’en dis pas davantage, jusqu’à ce que tu aies comparé cette lettre à la tienne, et, après cela, je te laisse juge qui est meilleur et plus ami de toi ou de moi.
« Adieu, mon amie, porte-toi bien et sois juste pour toi et pour moi.
« Napoléon »
Mais qui est juste envers moi ?
Mon frère Louis, parce que je l’ai fait roi de Hollande, joue sa partie, refuse d’abdiquer afin que la Hollande devienne française, essaie de retourner les Hollandais contre moi. Il négocie avec les Anglais, les rapports de police sont formels. Il s’est associé à Fouché, à Ouvrard, le fournisseur, et tous travaillent à une paix avec l’Angleterre sans me consulter .
Juste, le tsar ? Il n’a pu me berner. Il reconstitue son armée, la fait glisser vers l’ouest, menace le grand-duché de Varsovie, essaie de s’appuyer sur le Danemark, envoie des émissaires à Vienne et renoue avec Londres comme s’il pensait à la guerre contre moi !
Je ne veux que la paix ! Je veux que la Russie reste mon alliée ! Ne suis-je pas devenu le cousin, le frère, le neveu de tous ces souverains ?
Ne suis-je pas l’époux de l’une des leurs ?
Il faut que l’on sache partout, il faut que mes peuples apprennent que désormais il n’y a plus de raison de s’opposer à moi .
S’ils sont fidèles à leurs anciens souverains, qu’ils songent de qui je suis l’époux. Et s’ils croient aux valeurs nouvelles, qu’ils se souviennent que je suis l’Empereur qui a décidé le Code civil !
Ils le sauront s’ils nous voient .
Le dimanche 27 avril 1810 à 7 heures, il quitte Compiègne en compagnie de Marie-Louise. Il rit, il la réconforte. Elle est ensommeillée, fatiguée encore de ce changement de vie. Il aime qu’elle le regarde avec des yeux effarés qui disent : quel est cet homme inépuisable ? Il veut la montrer à ces pays du nord de son Empire qui furent jadis sous la domination autrichienne, qui verront une archiduchesse des Habsbourg aux côtés de leur Empereur.
Il donne le signal du départ aux six cents cavaliers de la Garde qui servent d’escorte à la longue suite de voitures où il a voulu que prennent place Eugène, les ministres, le roi Jérôme et la reine de Westphalie.
Il pleut. Les routes sont boueuses, les réceptions à Anvers, Breda, Bergen op Zoom, Middelburg, Gand, Bruges, Ostende, Dunkerque, Lille, Le Havre, Rouen, sont interminables.
Il observe Marie-Louise. Elle ne sait ni sourire à ceux qui lui délivrent leur message de bienvenue ni flatter ces notables qui attendent un signe de reconnaissance qui marquera leur vie. Il se souvient du talent qu’avait Joséphine pour séduire tous ceux qui l’approchaient. Ce souvenir l’irrite. Il s’emporte contre Louis, qu’il rencontre à Anvers et qui expose avec un mélange de naïveté et de suffisance les négociations qu’il a ouvertes en compagnie de Fouché et d’Ouvrard avec l’Angleterre.
Il hurle. Qui leur en a donné le droit ?
Heureusement, il y a les nuits, les promenades au bord de la mer, la gaieté de Marie-Louise lorsque déferlent les longues vagues de la marée. Il y a la joie, qui durant quelques jours envahit Napoléon quand Marie-Louise imagine qu’elle est enceinte.
Mais au retour à Paris, le vendredi 1 er juin, il la voit s’approcher, pâle, boudeuse, secouant la tête. Elle n’aura pas d’enfant cette fois-ci !
Il s’isole. Il est déçu. C’est comme s’il se réveillait et découvrait qu’il ne s’était agi que d’un rêve.
Sur sa table, il reconnaît une lettre de Joséphine, plaintive, humble, celle d’une vieille femme malade. Il doit répondre.
« Mon amie, je reçois ta lettre, Eugène te donnera des nouvelles de mon voyage et de l’Impératrice. J’approuve fort que tu ailles aux eaux. J’espère qu’elles te feront du bien.
« Je désire te voir. Si tu es à la Malmaison, à la fin du mois, je viendrai te voir. Je compte être à Saint-Cloud.
« Ma santé est fort bonne, il me manque de te
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