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[Napoléon 4] L'immortel de Sainte-Hélène

[Napoléon 4] L'immortel de Sainte-Hélène

Titel: [Napoléon 4] L'immortel de Sainte-Hélène Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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loin, il aperçoit la Bérézina qui, large d’une centaine de mètres, coule à pleins flots, entraînant des blocs de glace. Il y a quelques heures, on pouvait passer sur le fleuve gelé, comme Ney avait franchi le Dniepr. Maintenant, il faut un gué, un pont.
    Les Russes ont brûlé celui de Borissov.
    Au loin, dans le brouillard, il distingue les silhouettes des cosaques. Il entend leurs hourras, il les voit s’élancer sur des groupes isolés, des voitures qu’ils pillent.
    Il faut passer, vite, avant l’arrivée de Koutousov ou les attaques de Wittgenstein et de Tchitchakov. Il faut donc construire un pont, des ponts. Il s’impatiente. L’armée, comme une cohue débandée, vient peu à peu s’agglutiner sur la rive gauche de la Bérézina. Ici, le destin se compte en heures, en minutes, et non en jours ou en semaines.
    Il arpente les bords du fleuve. Il regarde cette eau couler, qui aurait pu, qui aurait dû être prise par la glace.
    Il sera dit que rien, dans les éléments, ne m’aura été favorable .
    Il s’avance sur le pont consumé. Il s’arrête au bord du vide. Les poutres noircies pendent dans le fleuve. Le destin peut-il s’arrêter là ? Il reconnaît le général Corbineau, qui a longtemps servi en Espagne, qui vient avec sa division de refouler les troupes de Wittgenstein. Corbineau s’approche. Il connaît un gué sur la Bérézina, explique-t-il. Il vient de le franchir. La rivière, à cet endroit, a cent mètres de large, le fond n’est qu’à deux mètres. Un paysan qu’ils ont arrêté a révélé le passage en face du village à Studianka.
    Tout à coup, Napoléon se souvient. C’est là que, le 29 juin 1708, le roi de Suède Charles XII, après sa campagne d’Ukraine, a traversé la Bérézina.
    Tel est le destin.
    Il se rend au galop jusqu’au gué. Il faut lancer deux ponts, l’un pour l’infanterie, l’autre pour l’artillerie. Il sent qu’il va réussir à échapper au piège. Qu’il ne se laissera pas encercler par quatre armées russes.
    Mais c’est l’instant décisif, celui où toute l’énergie doit se concentrer sur l’action à laquelle, depuis des jours, on pense.
    Il faut, dit-il, tromper les Russes, se porter sur Borissov, leur faire croire que l’armée va passer là, et pendant ce temps il faut construire les ponts.
    Il convoque le général Éblé.
    Il connaît ce vieil officier, artilleur d’origine, comme moi, et qui commande le train des pontonniers de la Grande Armée. Il s’est distingué en Allemagne, au Portugal. Jérôme l’avait nommé ministre de la Guerre de son royaume de Westphalie. Il a préféré rejoindre la Grande Armée. Je l’ai vu à l’oeuvre lors de l’attaque de Smolensk .
    Tout, maintenant, dépend de lui et de ses hommes. L’eau est glacée. Il le sait. Les pontonniers ont faim. Mais ils doivent construire ces ponts. Ils ont entre leurs mains le sort de ce qui reste de la Grande Armée.
    Il les passe en revue. Ce sont encore des soldats.
    Il les voit commencer à travailler, le corps plongé dans la rivière, puis glissant sur de petits radeaux, les bras dans l’eau, enfonçant les piles, les chevalets.
    Il reste sur le pont tout le jour. Il leur parle. Il leur distribue lui-même du vin. À deux heures de l’après-midi, le jeudi 26 novembre 1812, le premier pont est achevé.
    Napoléon est à l’entrée du pont. D’abord doivent passer les troupes d’Oudinot, qui sont encore en formation militaire. Elles crient : « Vive l’Empereur ! » Elles vont refouler sur la rive droite les Russes de Tchitchakov afin de permettre le passage des autres corps. Celui de Davout traverse, musique en tête. Le maréchal Victor doit rester sur la rive est pour contenir Koutousov, et la division du général Partouneaux doit se sacrifier à Borissov pour empêcher Wittgenstein d’avancer vers Studianka.
     
    Napoléon est calme. Il ne sera pas fait prisonnier. Il demeure à l’entrée du pont pendant que, ce vendredi 27 novembre 1812, la Garde passe sur la rive droite.
    Il voit s’avancer la voiture du maréchal Lefebvre, mais à l’intérieur il reconnaît une femme, la comédienne française Louise Fusil, qui n’a pas voulu demeurer à Moscou où elle vivait.
    — N’ayez pas peur, dit-il d’une voix posée, allez, allez, n’ayez pas peur.
    Il sait pourtant que tout peut changer en quelques minutes. Déjà, le pont sur lequel passe l’artillerie s’est brisé, a été reconstruit, s’est brisé à

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