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[Napoléon 4] L'immortel de Sainte-Hélène

[Napoléon 4] L'immortel de Sainte-Hélène

Titel: [Napoléon 4] L'immortel de Sainte-Hélène Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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samedi 5 décembre 1812. À peine deux heures de route depuis Smorgoni, et déjà l’escorte s’est réduite à quelques hommes. Qui pourrait résister à ce froid ? Les voitures où ont pris place Duroc, Constant, Fain, tous ceux qui suivent, n’arrivent pas. Et l’on tire depuis les hauteurs qui entourent la ville. Les cosaques infestent ce pays. Et il en sera ainsi tant que l’on n’aura pas quitté la Russie. Puis il faudra traverser un morceau de Prusse, et être à la merci d’un guet-apens si l’on sait que l’Empereur roule dans la nuit, à peine protégé.
    Il se souvient de ce retour d’Égypte, quand il fallait éviter les croisières anglaises qui rôdaient en Méditerranée, devant les côtes. Il avait réussi à passer.
    Maintenant, il traversera l’Europe. Il rejoindra Paris, il en est sûr. Les choses sont bien plus faciles pour lui, désormais. Il s’en persuade.
    Vite.
     
    Voici Vilna. Une aube glacée. La voiture est arrêtée dans les faubourgs. En ville, on pourrait reconnaître l’Empereur. Il fait encore plus froid. Le ministre Maret arrive enfin. Il a donné un bal, hier soir ! Et à une nuit de route, les soldats meurent de froid et de faim. Maret comprend-il que, quand cette cohue affamée déferlera sur la ville, elle sera comme une vague furieuse, et que derrière elle, en même temps qu’elle, viendront les cosaques ?
    Vite, vite.
    On s’enfonce à nouveau dans ce jour si bref, si sombre qu’il est comme une nuit honteuse. Il y a tant de neige sur la route que les roues patinent, s’enfoncent. On n’avance que lentement. Mais c’est déjà la nuit. La voiture est un bloc de glace. On franchit le Niémen à l’étape de Kovno. On prend un repas chaud. Et l’on repart. Mais il faut pousser la voiture, que la neige emprisonne. Et le froid pèse encore davantage. Les glaçons sur le visage sont plus lourds. La peau brûle et se tend.
    Est-ce ici que mon destin s’arrête ?
    Toutes ces décisions, ces défis, ces dangers, pour tomber dans le piège de la neige, aux confins de la Russie et du grand-duché de Varsovie ?
    Au relais de Gragow, il houspille Caulaincourt. Il faut trouver un moyen d’aller plus vite.
    Enfin ! Caulaincourt a acheté un traîneau couvert à un comte Wybicki. Grâces lui soient rendues.
    Napoléon s’installe. D’un mouvement de la tête, il interrompt Caulaincourt, qui regrette qu’on abandonne la voiture, le nécessaire de l’Empereur, qui explique que le traîneau ira plus vite mais que l’inconfort, au bout de quelques heures, risque d’être insupportable. On est encore moins protégé du froid que dans la voiture.
    Vite. Le traîneau part enfin, glisse rapidement sur la neige, fonce vers Varsovie, qui n’est qu’à deux ou trois jours.
     
    Il a l’impression, maintenant que l’on parcourt les routes du grand-duché de Varsovie, que le plus difficile a été fait. Il avance dans des terres qui l’ont accueilli en triomphe. Il a présidé les bals de la Cour à Varsovie, organisé des parades. Il a un fils issu d’une Polonaise. Marie Walewska, Marie ! Il songe un instant qu’il pourrait la rejoindre pour une nuit. Mais il efface ce désir fugitif. Il faut qu’il arrive à Paris un ou deux jours seulement après la publication du 29 e  Bulletin de la Grande Armée racontant la campagne de Russie.
    — Nos désastres feront une grande sensation en France, dit-il, mais mon arrivée en balancera les fâcheux effets.
    Il a besoin de parler. Que peut-il faire de ce temps mort du voyage ? Dormir ? À peine si le froid, l’impatience lui laissent quelques minutes le loisir de somnoler. Et, d’ailleurs, il ne peut supporter l’idée qu’une surprise, quelle qu’elle soit, le tire brutalement du sommeil. Il est sur ses gardes et, souvent, d’un lent mouvement, il touche ses pistolets d’arçon placés près de lui.
    — Les Russes, dit-il, doivent apparaître un fléau à tous les peuples. La guerre contre la Russie est une guerre toute dans l’intérêt calculé de la vieille Europe et de la civilisation. On ne doit plus voir qu’un ennemi en Europe. Cet ennemi, c’est le colosse russe.
    Il connaît la chanson qu’entonne Caulaincourt.
    Je serais, à l’entendre, mais il n’est que la voix d’un choeur, l’ambitieux qui veut établir la monarchie universelle, qui impose à toute l’Europe un système fiscal pesant, ou bien celui qui a établi en Allemagne une inquisition tatillonne, ou encore l’homme qui

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