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Néron

Néron

Titel: Néron Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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prisonnière où lâcheté, délation, cruauté, avidité et ambition se liguaient pour servir le prince vainqueur ?
     
    Rentré de Capoue, j’ai rendu visite à Sénèque, qui attendait la venue des prétoriens qui se saisiraient de lui ou lui intimeraient l’ordre de mourir.
    Il s’étonna que je n’eusse pas encore été arrêté et m’incita vivement à regagner Capoue, à m’y faire oublier, à répondre à toutes les sollicitations de Néron.
    — On ne peut soigner et guérir l’âme d’un tyran qu’en le tuant, disait Platon. N’oublie jamais cela. Et puisque Néron survit, tu ne peux vaincre sa maladie. Il te faut ou mourir ou le servir. Ou fuir loin de lui.
    Il me serra le poignet.
    — Je ne veux pas que tu meures, Serenus. Un homme sage ne va jamais au-devant la mort. Il l’accepte, il ne la recherche pas.
    Je l’approuvais sans vouloir m’éloigner, désireux de vivre avec lui et son épouse Paulina ce qui, sans doute, serait les derniers jours de sa vie. Il acceptait son destin avec sérénité et même une sorte d’allégresse voilée.
    — J’ai tant vécu, murmurait-il. Et les regrets ne sont pas dignes d’un sage qui, toute sa vie, a fait ce qu’il a cru devoir faire. Je crains seulement d’être associé plus tard à cette conspiration d’hommes médiocres. Je veux que tu survives pour témoigner de ce qui fut : que Sénèque se tint à l’écart des projets de Calpurnius Pison.
     
    Cet homme qui avait voulu succéder à Néron n’avait été qu’un velléitaire aux hésitations masquées par la prestance, une belle voix et la richesse.
    Mais, quand Natalis et Scaevinus furent arrêtés, il n’osa pas risquer le tout pour le tout, se présenter devant les soldats, tenter de les entraîner en jouant ainsi sa vie qui, de toute manière, était perdue, puisque la conspiration était éventée. Et peut-être que, avec l’aide du tribun Flavus, du centurion Asper, d’autres officiers qui détestaient Tigellin, ils auraient contraint le préfet Faenius Rufus à se démasquer comme l’un des leurs. Et la partie eût pu alors être gagnée.
    Pison n’avait pas osé.
    Il s’enferma dans sa villa.
    Il attendit qu’un peloton de prétoriens que Néron avait choisis parmi les nouvelles recrues – car il craignait les vieux soldats, peut-être gagnés à la conspiration – vienne lui annoncer qu’il devait mourir.
    Il ajouta quelques phrases à son testament, des flatteries honteuses à l’adresse de Néron afin que sa femme, qui ne valait que par la beauté de son corps, ne fût pas inquiétée.
    Puis il s’ouvrit les veines.
    L’heure de mon maître Sénèque était maintenant venue.

 
     
41
    Je n’ai pas tenu la main de mon maître Sénèque au moment où le sang, en s’écoulant de ses plaies, emportait sa vie.
    C’est mon remords et ma souffrance.
    Je ne l’ai pas aidé à franchir le passage.
    Je ne sais pas si son dernier regard était empli d’espoir ou de terreur.
    Ou simplement vide.
     
    Les témoins de son agonie, qui fut longue, m’ont décrit chacun de ses gestes, m’ont rapporté les mots qu’il a prononcés.
    Ils m’ont parlé de son courage, de sa sérénité, de son ironie, même, et, en baissant la voix, de son émotion.
    Que cachait ce mot ?
    Je n’ai comme recours, pour répondre, que lire et relire la dernière lettre que j’ai reçue de lui.
    Sans doute, quand le courrier de Rome me l’a remise, Sénèque avait-il déjà succombé.
    Voici ce qu’il m’écrivait.
     
    La mort va venir, cher Serenus. Je ne la crains pas.
    C’est un bienfait des dieux que de pouvoir choisir la manière dont elle se glissera en moi et le moment où je l’inviterai à faire sa besogne.
    Je crois que Néron se montrera sur ce point généreux.
    Ma mort lui sera si agréable qu’il consentira, j’en suis sûr, à ce que je marche seul vers elle.
    Mais elle viendra.
    Il a tué sa mère, son frère, sa sœur-épouse. Il ne lui reste plus que d’ajouter à ces meurtres celui de l’homme qui l’a élevé et instruit.
    Comment pourrait-il renoncer à cette jouissance et à la liberté qu’il aura ainsi conquise de vivre sans témoin de son enfance ?
    Je t’écris de ma propriété de la via Appia, à quatre milles de Rome. Néron m’a autorisé à m’y retirer. Ma mort sera ainsi plus discrète. Il l’annoncera à sa guise, et il pourra même s’en lamenter en prétextant que la maladie m’a étouffé.
    Il aime à composer ces rôles, à

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