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Néron

Néron

Titel: Néron Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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qu’elle nourrissait pour son fils, ce Lucius Domitius que j’avais vu naître et dont on me rapportait qu’il grandissait vite, qu’il savait déjà monter à cheval, brillait dans les courses hippiques et déclamait avec la fougue et le talent d’un acteur.
    — Vois aussi Agrippine et l’enfant, avait aussitôt reparti Sénèque. Il faut se servir de tout et de tous si nous voulons que nos idées et nos pensées soient utiles.
     
    J’avais baissé la tête, accablé.
    Ces mots n’étaient-ils que l’ample manteau sous lequel Sénèque cachait ses propres désirs et ambitions, ses regrets d’avoir été relégué loin du pouvoir et de la richesse ?
    J’ai osé lui avouer les questions que je me posais.
    Sénèque a posé ses deux mains sur mes épaules, me faisant ainsi face et me demandant de ne pas détourner le regard.
    — Le sage ne doit pas être jugé comme tu le fais, Serenus, a-t-il dit. Pour s’assurer les acquis les plus importants, il peut faire des choses qu’il n’approuvera pas. Il ne renoncera pas aux bonnes mœurs mais les adaptera aux circonstances. Les moyens que les autres emploient en n’ayant en vue que la gloire et le plaisir, il les utilisera pour un noble but. Il nous faut conseiller l’empereur, Serenus, tenter de retenir ou contenir sa folie. À quoi sert-il d’être sage ici, en Corse, parmi les chèvres, les ronces et les rochers, alors que nous pourrions convaincre le maître du plus grand empire du monde ? Rentre à Rome, Serenus, puisque tu le peux, et agis au mieux de notre cause.
    J’ai quitté l’île plein d’incertitude et cependant résolu à aider Sénèque à atteindre son objectif.

 
     
6
    À Rome, les premiers jours après mon retour de Corse, j’ai titubé comme un homme ivre.
    Je n’étais plus habitué à la foule, aux odeurs fétides mêlées aux parfums des femmes fardées et des jeunes gens aux boucles teintes, aux lèvres peintes, qui exhibaient leurs cuisses, leurs torses bruns et musclés.
    On me frôlait. On me bousculait. Je ne savais si c’était pour me provoquer, me voler, ou m’enjôler et me racoler.
    Des putains se tenaient sur le seuil des lupanars et des gargotes. Elles m’invitaient. Je détournais la tête, m’enfonçais dans la multitude romaine et sa bigarrure.
    Des gladiateurs suivis par des femmes poussaient de l’épaule et du poing ceux qui les gênaient. À leurs vêtements, à la couleur de leur peau, je reconnaissais des Thraces et des Gaulois, des Grecs et des Égyptiens. L’empire déversait ses peuples dans les rues, les amphithéâtres, les thermes, les boutiques et les estaminets de la ville.
    Des sénateurs passaient, allongés dans leurs litières. Leurs esclaves écartaient la foule à coups de bâton. Des astrologues et des devins vendaient des amulettes et des prophéties.
    Et, tout à coup, des cris, des jurons : des cavaliers germains de la garde de l’empereur surgissaient, lancés au galop, renversaient les étals des marchands de beignets et de vin, écrasaient les passants sous les sabots de leurs chevaux.
    Je me réfugiais dans la villa de Sénèque, étourdi, interrogeant les affranchis et les esclaves qui espéraient son retour.
    Ils me harcelaient de leurs questions : le maître reviendrait-il bientôt ? Ils me rapportaient les rumeurs qui empoisonnaient Rome. Ils dressaient la liste des assassinats que Messaline faisait perpétrer au nom de l’empereur Claude, qu’elle dominait.
    On me chuchotait que cette louve avide et insatiable était si sûre de son pouvoir qu’elle ne cherchait même plus à cacher sa débauche. Ses amants la chevauchaient jusque dans le palais impérial, dans la chambre nuptiale, et Claude laissait faire. Il passait d’un festin à l’autre, ivre, souvent vautré dans ses vomissures, ou bien endormi dans les bras de ses deux courtisanes orientales, Calpurnia et Cleopatra.
    Était-ce là un empereur ? On me répétait qu’il était aussi cruel, aussi débauché que son neveu Caligula et – on baissait encore la voix – qu’il terminerait ses jours comme lui.
    On me parla de Silvius, un consul désigné qui osait dire, comme s’il avait été assuré de l’impunité, qu’il s’apprêtait lui-même à succéder à Claude.
    Et, devant le Sénat, je vis cet homme jeune et fier, entouré d’hommes armés, de chevaliers, d’affranchis, de sénateurs qui le flattaient, l’encourageaient, songeant à leur propre avenir.
    L’intrigue, la corruption,

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