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Néron

Néron

Titel: Néron Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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compassion. Claude s’est avancé vers eux et, levant les bras comme pour invoquer les dieux, a lancé :
    — Mes femmes sont impudiques, mais elles ne restent point impunies !
    Comment Agrippine ne se serait-elle pas souvenue du sort de Messaline ? Et du destin tout aussi cruel des précédentes épouses ? Et des colères de Claude, capable de faire jeter à la rue, toute nue, l’une de ses filles lorsqu’il découvrit qu’elle était peut-être l’enfant d’un de ses affranchis ?
    Elle sait qu’on peut tout craindre d’un homme longtemps complaisant : tout à coup il se rebelle comme un ours qui, après avoir fui, se retourne, les yeux injectés de sang, les pattes prêtes à déchirer, à broyer.
    J’ai vu le corps d’Agrippine se recroqueviller lorsqu’un sénateur l’a avertie que Claude avait rédigé son testament. Il s’apprêtait même à le faire cosigner par tous les magistrats de Rome. On n’en connaissait pas les termes, mais, avant de se rendre au Sénat, il avait dit à Britannicus, sur un ton solennel, veillant à ce que tous les témoins entendissent ses propos :
    — Grandis, mon fils, car je vais te rendre compte de toutes mes actions et punir ceux qui m’ont trompé et t’ont humilié !
    Agrippine a rentré la tête dans les épaules comme si elle avait voulu protéger sa gorge de la pointe d’une lame.
    Elle est restée ainsi figée, prostrée, puis, lentement, cambrant le dos, desserrant les poings, tendant ses doigts aux ongles longs, laqués de noir, elle a relevé la tête. On eût dit un serpent qui tout à coup se déploie et dont on découvre brusquement la dimension.
    Agrippine, suivie par Pallas, s’est alors dirigée vers la chambre de Néron.
     
    J’ai rejoint Sénèque dans sa villa.
    Il est nu, un simple pagne lui couvrant les hanches, allongé sur un lit, le menton sur les poings. Un jeune esclave impubère, le corps blanc et lisse, sûrement frotté chaque jour à la pierre ponce pour l’épiler entièrement, le masse, appuyant les mains sur sa nuque, puis le bas de ses reins, les glissant ainsi sous le pagne.
    Je veux confier à Sénèque ce que j’ai appris, ce que j’ai vu.
    Il se retourne, sourit au jeune esclave avant de le renvoyer.
    — Le poisson jeté sur la grève tressaute encore longtemps, murmure-t-il.
    — Certains, en quelques bonds, retrouvent la mer, dis-je.
    Sénèque hausse les épaules. Pour lui, il suffit d’attendre. Je n’ai pas sa sagesse.
    J’ai écouté devins et astrologues qui, dans les rues de Rome, annoncent des temps rouge sang. Un changement funeste se prépare, prédisent-ils. Les signes ne trompent pas. Les enseignes de nombreuses légions et de cohortes prétoriennes ont été frappées par la foudre, et le fouet de feu a incendié les tentes des soldats. Un essaim d’abeilles noires a entouré le faîte du Capitole, puis s’est précipité sur une femme dont le corps a été entièrement recouvert, percé de milliers de dards. C’était une épouse adultère ; elle en est morte. Une truie a donné naissance à un petit avec, aux pattes, des serres d’épervier. Le même jour, un enfant à deux sexes est né, un monstre qu’on a égorgé.
    J’observe le visage de Sénèque. Il reste impassible, puis sourit et me regarde avec commisération.
    — Narcisse et Nelus paient tous les astrologues de Rome, dit-il. Les signes que donnent les dieux sont plus difficiles à déchiffrer que l’écriture d’Égypte. Ceux que tu me décris sont aussi clairs que la langue de César et de Cicéron. Femme adultère, enfant monstrueux, garde prétorienne frappée parce qu’elle soutient Agrippine et Néron…
    Il se lève, retenant son pagne de la main gauche.
    — Comment n’as-tu pas reconnu le style de Narcisse et de Nelus ?
    Il m’enveloppe l’épaule de son bras droit, me serre contre lui. Il a rarement de tels gestes d’amitié.
    — Les dieux sont paresseux, Serenus, poursuit-il. Le plus souvent, ils suivent les choix des hommes. Ils aiment les voir s’affronter dans l’incertitude d’un combat à mort. Dans cette arène qu’est notre vie, nous sommes les gladiateurs ; eux sont en haut, dans la tribune. Ils décideront si le vaincu doit mourir ou le vainqueur être aussitôt poussé dans un autre combat. Attendons, Serenus. Partageons avec les dieux leur paresse et leur sagesse.
    — Il y va de notre vie ! ai-je objecté.
    — La chair meurt, mais l’âme survit, Serenus. Alors, pourquoi

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