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Néron

Néron

Titel: Néron Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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livre où il ferait, m’avait-il confié, l’éloge de la clémence.
    Un instant on nourrit l’espoir que Néron ferait oublier les principats de Caligula et de Claude, et que Rome retrouverait la grandeur d’Auguste.
    Illusions !
     
    Un arbre vaut par ses racines ; celles du pouvoir de Néron et d’Agrippine s’enfonçaient dans le poison, les crimes, l’inceste, l’intrigue et la corruption. Elles étaient encore enfouies, dérobées à la vue du grand nombre.
    Le peuple acclamait le prince de la Jeunesse, le juste empereur, le généreux Néron qui ordonnait qu’on baissât les impôts, qui faisait distribuer quatre cents sesterces à chaque membre de la plèbe et décrétait qu’il fallait aider les sénateurs les plus pauvres afin que leur existence fut digne de leur rang et de leurs responsabilités.
    Les doigts entrecroisés devant sa bouche, le menton appuyé sur les pouces, les yeux semblant fixer un point au loin, Sénèque se félicitait des premiers pas de Néron.
    — Apollon guide l’empereur, disait-il. Les hommes reconnaissent en lui le protégé des dieux. Les Égyptiens sont de bons juges. J’ai vécu parmi eux cinq années. Sais-tu, Serenus, comment ils nomment Néron ? « Le bon génie de la Terre habitée. » Les sénateurs se félicitent de son sens de la justice, de son rejet de la vengeance, de la haine et de la rancune. Je l’ai vu hésiter à parapher une condamnation, je l’ai entendu dire d’une voix pleine de remords : « Comme je voudrais ne pas savoir écrire ! » et j’ai dû insister pour qu’il signe, lui rappelant les crimes commis par le coupable. Et quand on a voulu le remercier pour les mesures qu’il avait prises, il a déclaré aux sénateurs : « Attendez que je l’aie mérité. »
     
    J’écoutais, j’observais Sénèque.
    Un sage pouvait-il à ce point être dupe, victime de sa vanité ? Car Néron ne faisait qu’appliquer la politique que le philosophe, soutenu par Burrus, lui conseillait.
    Mais Sénèque oubliait – ou ne voulait pas voir – ce qui perçait déjà sous le masque bienveillant de Néron.
    Je l’avais vu s’amuser comme un enfant à pousser des quadriges en ivoire et, faisant vaincre tel ou tel char, déclarer qu’il voulait concourir comme un simple citoyen sur le sable des pistes, devant le peuple, où il était assuré de l’emporter. N’était-il pas le meilleur cavalier, le meilleur conducteur de char ? Les courtisans autour de lui l’approuvaient avec l’enthousiasme de clients qui espèrent un profit.
    Il s’était pavané, une couronne de myrte lui ceignant le front, comme s’il avait vaincu les Parthes, se parant ainsi de la gloire du général Corbulon qui les avait défaits en Arménie. Et il contemplait, bouffi de vanité, sa statue que l’on venait de dresser dans le temple de Mars vengeur, plus haute que celle du dieu !
     
    J’apprenais que, chaque nuit, il continuait de rôder dans les rues de Rome, le visage dissimulé, en quête de proies qui devaient se soumettre ou périr. Il semblait que le pouvoir suprême l’eût délié de toute mesure. On commençait déjà à rapporter à mi-voix qu’il se faisait enfermer dans une cage, vêtu seulement d’une peau de bête, et lorsqu’on le libérait il se précipitait sur des jeunes femmes ou des jeunes hommes attachés nus à des poteaux, il les léchait, leur mordillait les parties naturelles, puis, ayant ainsi assouvi sa lubricité, il se livrait à l’un de ses affranchis.
    Comment un homme qui s’abandonnait ainsi à ses vices pouvait-il incarner la justice, la sagesse, la clémence ?
     
    Lorsque je lui ai fait part de ces rumeurs, Sénèque ne chercha pas à les réfuter.
    — Tous les hommes, Serenus, ont deux faces, et l’empereur et les dieux sont pareils à eux : généreux et cruels. Il faut seulement que les deux faces ne se confondent pas, que la vie nocturne de l’empereur ne vienne pas obscurcir sa part de lumière. Je m’y emploie et Burrus garde avec moi cette frontière entre les ténèbres de l’homme et sa clarté.
    Sénèque s’employait d’ailleurs à faire nommer aux magistratures importantes des proches en qui il avait toute confiance. Je vis ainsi son frère aîné, Gallion, arriver à Rome et devenir consul.
    Mais qui avait la faculté de s’opposer à la puissance de l’empereur et à celle de sa mère ? Qui pouvait retenir leur bras s’ils avaient décidé de frapper ?
     
    Les premières

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