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Néron

Néron

Titel: Néron Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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les cèpes sont un mets divin ? Si les champignons avaient été empoisonnés, qui d’autre que Néron – qui s’en vantait, d’ailleurs – eût pu le faire, qui d’autre que lui en avait tiré profit ? Pas elle, en tout cas, écartée du pouvoir et humiliée comme elle l’était. Et si Claude était mort empoisonné, comment ne pas soupçonner les amis du prince, cet infirme Burrus à la main mutilée, cet exilé de Sénèque, ce bavard à la langue fourchue de professeur ?
    — Elle a choisi de se servir de Britannicus, reprenait Sénèque. Elle va se présenter comme l’avocate du fils légitime de Claude.
    J’ai rappelé à Sénèque qu’il avait prétendu qu’Agrippine serait la première victime de Britannicus.
    — Elle est blessée, elle ne veut pas mourir aujourd’hui. Elle fait le pari que Britannicus, si elle le sert et réussit à le faire accéder à la magistrature impériale, lui en sera reconnaissant. Britannicus est à la fois son glaive et son bouclier. Britannicus : voilà donc pour nous le danger !
    Il allait avoir quatorze ans le 13 février.
    Je l’ai observé lors des fêtes célébrées en l’honneur de Saturne.
    Plus encore que d’habitude, les rues de Rome étaient envahies par la foule. À chaque carrefour, sur de petites tables, les organisateurs de jeux de hasard faisaient rouler dés et osselets. Lors des saturnales, on pouvait en effet se livrer à des divertissements interdits sur la voie publique le reste de l’année.
    Ce n’étaient partout que cris, rires de femmes poursuivies par des hommes ivres, jeunes gens qui s’offraient, parés et parfumés comme des femmes. Les esclaves avaient même le droit, durant ces trois jours de la mi-décembre, du 17 au 19, de commander à leurs maîtres.
    Dans l’une des salles du palais, j’ai vu Britannicus, silencieux et digne au milieu des invités de Néron qui ripaillaient et se lutinaient.
    On avait tiré au sort, parmi eux, celui qui devait exercer la royauté ce soir-là. Néron avait été choisi parce que personne n’avait osé imaginer qu’un autre que lui soit le pût.
    Hasard vicié ! Mensonge proclamé vérité !
    Néron se leva, tendit le bras vers Britannicus, lui ordonnant de s’avancer jusqu’au milieu de la salle et de chanter. Il souriait, goguenard, sûr que le ridicule allait écraser Britannicus.
    Mais celui-ci, bras à demi levés, paumes ouvertes, commença d’une voix mélodieuse à scander un chant qui racontait sa vie, le triste destin d’un fils d’empereur dépouillé de ses droits, écarté du rang suprême que le sang et la volonté de son père lui destinaient.
    La sincérité de Britannicus m’a rempli d’émotion. Tous les invités étaient figés, bouleversés, eux aussi envahis par la pitié, car, debout près de Britannicus, Néron incarnait le dépit et l’amertume, le désir de vengeance et aussi la peur.
    Britannicus a lentement regagné sa place dans cette nuit de fête où tous les masques étaient tombés et où le piège tendu par Néron s’était retourné contre lui.
    J’ai tremblé pour Britannicus. Il avait vaincu l’empereur sans même avoir voulu le défier ni le combattre. Il n’avait fait que dire ce qu’il ressentait.
    Mais la vérité se paie souvent de la vie.
     
    Sénèque ne m’avait pas dissimulé que le fils de Claude constituait une menace qui devait être écartée à tout prix.
    Agrippine, de son côté, avait profité du sentiment de pitié et de la sympathie qu’avait inspirés Britannicus pour proclamer que les dieux avaient voulu le préserver pour qu’il pût accéder un jour au gouvernement du genre humain. Il allait, le jour de ses quatorze ans, revêtir enfin la toge virile. Elle fit savoir qu’elle l’accompagnerait au camp des prétoriens et dirait en substance :
    « Moi, sœur, épouse, mère d’empereur, fille du noble Germanicus, me voici aux côtés de Britannicus, le fils de la chair et du sang de Claude ! Qui mérite plus que nous de gouverner le genre humain ? Qui oserait nous préférer Burrus, l’infirme, et Sénèque, l’exilé bavard, et mon fils Néron qu’ils ont perverti, dressé contre sa mère ? Il partage son lit avec une esclave barbare, une disciple de Christos, ce Juif, et avec deux jeunes hommes dont il est pour sa plus grande honte devenu la femme, la maîtresse passive ? Quel Romain pourrait vouloir de cet attelage à la tête de l’Empire ? »
    — Elle peut être entendue, grommelait

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