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Néron

Néron

Titel: Néron Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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Sénèque a murmuré :
    — Platon a déjà dit que les esclaves sont une propriété bien difficile.
    Puis il s’est arrêté devant l’une des fresques qui représentait un énorme phallus posé sur le plateau d’une balance, l’autre plateau, quoique chargé de fruits, déséquilibré par le poids du membre en érection.
    — Il y a un usage ancien, a repris Sénèque, qui veut que toute la domesticité qui se trouve sous le toit de la maison où le maître a été assassiné soit suppliciée.
    J’ai pensé à ces femmes et à ces enfants entassés. Sénèque m’a regardé.
    — Tous les esclaves, a-t-il répété, comme s’il avait partagé ma pensée, quels que soient leur âge et leur sexe. C’est ainsi.
    Nous avons marché en silence et Sénèque s’est arrêté de nouveau.
    — Aucune demeure ne peut être en sécurité, a-t-il dit, si les esclaves ne sont pas contraints, sous peine de mort, à assurer la protection de leur maître contre toute atteinte venant de l’intérieur ou de l’extérieur de la maison. Quand il y a eu meurtre, tous les esclaves doivent être torturés et mis à mort.
    — Quatre cents, ai-je dit.
    — La terreur est nécessaire.
    En moi, quelque chose se révoltait contre ce que je ressentais comme une cruauté inique. J’avais envie de vomir.
    — On ne peut pas appliquer cette règle, non, on ne doit pas !
     
    Nous sommes sortis de la villa.
    Les rues autour de l’Aventin étaient remplies d’une foule qui grondait, protestait contre le supplice.
    Il n’y avait pourtant là que des citoyens, cette plèbe romaine qui, habituellement, se défiait des esclaves et les méprisait. Mais, sans doute comme moi, ressentait-elle du dégoût à la perspective de l’hécatombe qui se préparait.
    J’ai supplié Sénèque d’intercéder auprès de Néron.
    — Écoute la plèbe, ai-je dit. Chaque jour elle applaudit l’empereur. Elle le soutient. Elle lui sait gré de sa générosité. S’il accorde la grâce à ces innocents, elle l’acclamera.
    Sénèque ne m’a pas répondu, mais, le jour même, il a obtenu de Néron que le Sénat juge cette affaire.
     
    J’ai espéré que Sénèque plaiderait, lui qui avait fait de la clémence le principe d’une juste politique.
    J’ai espéré que les sénateurs qui partageaient cette idée la défendraient.
    Mais Sénèque s’est tu.
    Et seul Gaius Cassius Longinus, que l’on disait grand juriste, a parlé. Chacun des mots qu’il a prononcés m’a accablé. Il a fustigé ceux qui contestaient l’obligation de punir.
    — Allons-nous déclarer officiellement que ce maître a été assassiné à bon droit ? disait-il. Nos ancêtres déjà tenaient pour suspecte la nature des esclaves, même au temps où ils naissaient sur les terres ou dans la maison où ils devaient vivre et où ils apprenaient aussitôt à aimer leur maître. Mais, depuis que nous avons parmi nos gens des peuples qui ont des façons de vivre différentes, des religions étrangères, ou aucune, ce ramassis ne saurait être retenu que par la peur.
     
    Ce « ramassis », c’étaient des hommes, des femmes, des enfants.
    — Mais, dira-t-on, poursuivait Gaius Cassius Longinus, des innocents vont périr. Oui, et aussi dans une armée qui a connu la déroute, lorsqu’un soldat sur dix meurt sous le bâton, les braves sont tirés au sort. Tout grand châtiment a quelque chose d’injuste à l’égard des individus mais est compensé par l’intérêt général.
    J’étais bouleversé.
    J’ai quitté le Sénat, sûr de sa décision.
    Il faisait nuit.
    Une foule menaçante, brandissant des torches et lançant des pierres, s’était assemblée, criant qu’elle s’opposerait au supplice des quatre cents innocents.
    Mais déjà Néron avait dans un édit blâmé le peuple, écrit que la décision du Sénat était juste et serait exécutée. Il précisait qu’il s’était opposé à ce que les affranchis de Pedanius Secundus, comme le voulaient certains sénateurs, fussent déportés hors d’Italie.
    — La règle antique, disait Néron, que la pitié n’a pas adoucie, ne doit pas être aggravée par cruauté.
    J’étais sûr que Sénèque était l’auteur de cette phrase.
     
    J’ai déambulé à travers la ville.
    J’ai vu des soldats prendre position, épaule contre épaule, tout au long du trajet que les condamnés devaient suivre pour se rendre sur le lieu de leur supplice, les boucliers formant une ligne continue, les glaives hors

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