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Nice

Nice

Titel: Nice Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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cheval :
    — À Vienne, une femme, disait Gustav, vous ?
    Elle renonça comme il acceptait enfin.
    — Qu’avez-vous ? interrogeait-il.
    Elle s’enfermait dans sa chambre, lisait, refusait de
voyager, décidait de ne plus sortir. À nouveau, autour d’elle, tout devenait
marbre, blancheur glacée des objets et des visages, et peu à peu, elle-même, sa
peau, ses cuisses, allaient se durcir, et rien ne pourrait la briser, l’ouvrir.
    Gustav s’inquiétait, elle avalait difficilement, se
contentant de thé, de biscuits grignotés, quelques miettes qu’elle réduisait
lentement en poudre. Elle eut la sensation que son ventre devenait un bloc étranger
à elle, elle le portait, lourd, gênant.
    Elle était close comme un sac dont l’enveloppe s’épaissit,
se racornit, tout entière enfermée dans un soulier de cuir, plis profonds qui
coinçaient sa peau et où s’étaient accrochées la poussière, la terre d’un
chantier.
    — Partons, répétait Gustav, décidez-vous, je sens que
vous avez besoin de la mer, le soleil changera tout.
    Elle ne pouvait pas desserrer les lèvres, humiliée d’avoir à
reconnaître qu’elle se souvenait, qu’il était plus fort qu’elle, qu’elle avait
envie de se coucher sur l’encolure, de laisser flotter les rênes, d’être
emportée. Des années pourtant déjà, mais le sillon avait été creusé, profond,
il restait la seule entaille vivante, humide, et tout autour c’était le cuir
sec et le marbre.
    Gustav devait s’absenter, le banquier de Berlin multipliait
les dépêches, il fallait au plus vite régler la succession, décisions à
prendre, immeubles à vendre. Gustav posait près d’elle les lettres où elle
distinguait des colonnes de chiffres, il disait, les montrant :
    — Venez avec moi à Berlin, de là nous irons à
Pétersbourg, si vous voulez, ou bien nous prendrons le train pour Paris.
    Elle ne répondait pas, et à deux ou trois reprises, il
s’emporta :
    — Mais cessez donc de sourire, parlez, dites que vous
ne m’aimez pas, d’ailleurs…
    Il était au bord de la violence, peut-être de l’injure et
elle souhaitait qu’il s’élance, qu’il lui jette au visage de la boue, qu’il
dise enfin…
    — D’ailleurs… répétait-elle après lui.
    Elle le provoquait, elle espérait qu’il la secoue, qu’il
donne un coup de pied, qu’il crie, mais dès la première nuit, il s’était tu,
étouffant les questions, incertain.
    — Je suis nerveux, disait-il, excusez-moi !
    — Vous devriez partir à Berlin, vous ne pouvez pas
laisser vos affaires en suspens, Gustav !
    Il partit par l’express du matin et dès que la machine se
fut ébranlée, Helena vit que le marbre autour d’elle fondait, elle transpirait,
elle ne sentait plus ce poids dans le ventre, elle traversait le hall de la
Nordbahnhof, elle courait presque appelant une voiture se faisant conduire à la
Sudbahnhof, retenait une place pour Venise, de là pour Gênes et puis pour Nice.
L’employé notait les horaires, commentait en hochant la tête :
    — C’est un long voyage, madame !
    Elle écrivit à Gustav quelques mots :
    « J’ai besoin de solitude. Ne m’en veuillez pas, je
vous télégraphierai. »
    Elle partait le soir même, s’enfermant dans le wagon-lit, la
nuit parcourue de chevaux qui traçaient dans la neige un sillon jaune,
phosphorescent, réveillée plusieurs fois en sueur quand ils dressaient sur elle
leurs jambes de devant, prêts à la piétiner. Elle refusa de sortir des gares,
somnolant dans les salles d’attente, dormant encore, découvrant enfin Gênes,
l’étendue, la mer striée de vaguelettes blanches. Il faisait chaud, les gares
se succédaient, proches l’une de l’autre, elle reconnaissait la senteur des
lauriers. Des paysannes tendaient des bouquets d’œillets. Elle en acheta de
rouges violents dont l’odeur était forte, et Helena y enfouissait son visage,
elle avait envie de mordre ces pétales, de s’emplir la bouche de cette odeur.
Il y eut un dernier tunnel, le train y haletait, et comme elle n’avait pas
monté la vitre, la fumée envahissait son compartiment, lui donnant envie de
vomir, et elle se laissa aller, étourdie, la joue posée contre la dentelle
blanche qui recouvrait la banquette.
    Helena avait pris une seule valise que le porteur posait sur
le quai, devant la gare, un cocher s’approchait, saluant, saisissant la valise
sans même qu’elle l’y invite. Elle se laissait guider, elle était là,

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