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Nice

Nice

Titel: Nice Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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dressaient leur cou, elle ressemblait à Helena avec les
yeux plus sombres, un teint mat d’Orientale.
    Karenberg fit un geste d’incertitude. Il était arrivé à
Berne sans illusion, retrouvant les Russes rencontrés rue des Carmes, Trotski
surtout qui lui faisait la leçon : « Puisque c’est vous qui traduisez
pour les Français, soyez précis, mais adaptez à leur sensibilité, ils sont si
patriotards, même les meilleurs, ceux qui sont ici, enfin voyez Karenberg, si
nous avions l’unanimité des délégations sur une résolution, ce serait une étape
décisive. »
    Grimm, le socialiste suisse, avait retenu quatre voitures et
Karenberg s’était retrouvé entre Morgari et Troski, face aux Français Merrheim
et Bourderon. Morgari plaisantant, disant que tous les internationalistes du
monde tenaient dans ces quatre voitures, Trotski se mettant à rire, puis
gravement, soulevant ses lunettes, se massant les yeux, disant comme pour
lui-même : « Le fil de l’histoire casse souvent. Il faut faire un
nouveau nœud. Et nous le ferons ici. »
    — Je me demande, disait Hollenstein en se levant, si le
socialisme ce n’est pas d’abord la nécessité de l’illusion. Vous êtes une
poignée sans pouvoir, vous vous réunissez, et c’est l’Histoire que vous avez la
prétention de conduire, d’en renouer les brins. Mais l’Histoire, elle se fait à
coups de baïonnette, vous le voyez bien.
    Il se levait, soulevait Nathalie.
    — Karenberg, pourquoi avez-vous besoin de croire que
l’homme est bon, raisonnable, expliquez-moi ?
     
    Grimm avait fait arrêter les voitures devant l’auberge du
village de Zimmerwald. Depuis Berne, ils avaient roulé durant une dizaine de
kilomètres, s’élevant peu à peu, découvrant la plaine où s’accroche le
brouillard. L’air vif, l’odeur des arbres fruitiers et la lumière claire qui
semblait rejaillir sur les glaciers de l’Eiger et de la Jungfrau, à l’est du
village. Lénine qui se présentait aux différents délégués, allant de l’un à
l’autre, une serviette de cuir noir usé sous le bras, son visage toujours
mobile, plissant les yeux, le front, puis durant les réunions, son débit
rapide, saccadé, la violence de ses attaques que Karenberg traduisait
difficilement. Son rire, plus tard, dans le jardin quand Karenberg s’excusait
de ne pouvoir le suivre dans la traduction.
    — D’autres ne me suivent pas, qui me comprennent
parfaitement, disait Lénine.
    Les résolutions, les votes à main levée. Cette longue
promenade, un matin, avec Merrheim, le délégué de Paris qui répétait comme pour
lui-même : « Nous ne pouvons pas vouloir la défaite de la France, la
paix oui, la défaite non. »
     
    — Je n’ai pas besoin de croire, disait Karenberg.
    Il jetait son cigare dans le lac.
    — Mais n’est-ce pas extraordinaire, continuait-il, des
Allemands et des Français en pleine tuerie, appellent à la paix, ils prennent
des risques considérables. Comment pouvez-vous ne pas être d’accord, vous qui
êtes ici en Suisse. Vous avez choisi la paix, pourquoi la refusez-vous aux
autres ?
    — La refuser ? dit Hollenstein. Mais je ne refuse
rien, mon cher Karenberg. Je crois à la possibilité d’échapper individuellement
à la tuerie, pas collectivement. Où croyez-vous que je serais, si je n’étais
pas ici ? Je suis plus jeune que vous, je serais un officier autrichien
mort. Ou bien donnant l’ordre de tuer.
    Nathalie se mit à crier, elle avait retrouvé l’écureuil, à
la même place, au milieu de la pelouse. Elle s’agenouillait, tendait la main et
l’animal s’approchait, en petits bonds ironiques. Hollenstein et Karenberg
s’étaient immobilisés.
    — Et Helena, demanda Hollenstein. Peggy la voit
souvent, me disiez-vous.
    — Très bien, très bien, commença Karenberg.
    Helena s’était transformée. Ces hommes blessés, mutilés qui
dépendaient d’elle semblaient la rassurer. Elle était plus calme, parlant
rarement de Gustav et de Nathalie, disant quand on l’interrogeait qu’il valait
mieux, pour la durée de la guerre, que sa fille soit en Suisse. « Gustav,
où pouvait-il être mieux qu’avec elle, il est autrichien, moi, l’hôtel, je ne
peux pas abandonner cette ville maintenant. »
    Peggy parlait peu d’Helena, et si Karenberg la questionnait
à propos des jeunes officiers que l’on voyait souvent avec Helena : « Pourquoi
pas ? répondait nerveusement Peggy. À qui doit-elle rendre des

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