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Nice

Nice

Titel: Nice Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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Congrès. »
     
    Qu’est-ce que je fais ?
    Dante avait posé sa bicyclette contre le parapet de la
Promenade, au-dessus des rochers de Rauba-Capéu, du côté du port. Émiettement
rouge du phare au bout de la jetée, ricochant sur l’eau plate. Face à la mer,
les parois blanches du monument aux morts se dressaient, rocher du sacrifice,
arêtes tranchantes et larges surfaces.
    Dante descendit sur le quai du port (–) L’attrait de l’eau,
de l’odeur rance, du clapotis de la vague contre la coque, l’habitude. Il
marcha entre les tonneaux vers un cargo bas, surmonté d’une cheminée grêle et
de trois mâts de charge. Il était tard, lumières éteintes. Le long de la coque,
un échafaudage, et près de la passerelle des pots de peinture. Dante en prit
un, sans trop savoir encore, puis, courbé, avançant dans les allées ménagées
entre les marchandises bâchées qui étaient amoncelées sur le quai, il regagna
la Promenade, et là, traversant vite, il lança le pot de peinture contre une
des parois du monument. Tache grise et visqueuse. Le pot roula sur les dalles
avec un bruit de casserole. Dante bondit sur sa bicyclette et fila vers le
port, remontant la rue Cassini, ne ralentissant que place Garibaldi. Incertain,
tout à coup. Il entra au Café de Turin, but un verre de vin.
    Vivre comme ça, à quoi ça sert ?
7
    Ritzen se souvenait. Un nom sur une fiche de couleur bistre,
des pleins et des déliés calligraphiés à l’encre violette, le sillage que
laissait une vie dans les archives de la police. Renaudin apportait les
dossiers chaque matin.
    — Monsieur le Commissaire principal…
    Ritzen, le front contre la vitre, ou bien, l’été, accoudé à
la barre d’appui de la fenêtre, regardait la rue, les apparences de la ville.
Un homme courait derrière le tramway, le receveur faisait sauter la chaîne, lui
tendait la main de la plate-forme. Plus loin, vers la place Masséna, des
vendeuses des Galeries Lafayette marchaient, à trois ou quatre de front, bras
dessus, bras dessous, l’une d’elles, parfois, s’arrêtant pour rire, et Ritzen
l’entendait du dernier étage de l’hôtel de police. Ou bien il imaginait. Il
faisait un geste de la main à Renaudin sans quitter la fenêtre.
    — La préfecture, monsieur le Commissaire, commençait
Renaudin. À propos du monument aux morts. Cette histoire de peinture, cela
prend des proportions inattendues. Hier, un article, vous l’avez lu ? Dans l’Éclaireur, en première page, un article de Merani, Les
profanateurs. Anarchistes, bolcheviks. Du bon Merani, national et indigné.
    Ritzen se retournait. Renaudin posait les dossiers sur le
bureau, l’un près de l’autre. L’égout sous la rue. La ville sans fards, vieille
femme qui se déshabille, impudique, obscène à force de laideur.
    — Le dossier vert, précisait Renaudin.
    Majuscules noires : PROPAGANDE
BOLCHEVIQUE . Des fiches. Des noms. Ritzen les faisait glisser jusqu’à ce
que le souvenir… REVELLI DANTE .
    — Il faut toujours aller jusqu’au bout, murmurait
Ritzen. Après, trop tard.
    Carlo Revelli, l’anarchiste qu’il hésitait à expulser en 90.
    — On croit, Renaudin, on a tort.
    Fournitures de guerre, travaux de voirie, transports en tout
genre. Narquois, orgueilleux, Carlo Revelli étalait son nom dans toute la
ville. Naturalisé, patriote, Français. Respectable. L’autre, le patron du
bordel, décoré de la croix de guerre. Ils s’étaient incrustés. Grimés. Et
celui-là, Revelli Dante.
    Ritzen retournait la fiche. Geste machinal. Avant de lire,
il voulait d’un regard découvrir toute la trace, ses détours et sa profondeur.
    — Ce Revelli, des responsabilités, une tête ?
    — Je ne crois pas, répondait Renaudin. Un phraseur. On
le pousse. Il a été le délégué des employés…
     
    Les employés d’hôtel s’étaient réunis dans la salle du
Théâtre Risso. Peu de femmes. Elles restaient debout au fond de la salle,
groupées, timides, mais elles avaient levé le bras avec les hommes, voté la
grève. « Camarades », avait commencé Dante. À l’Hôtel Impérial, on l’avait
élu. « T’es pas vraiment un employé, mais t’es avec nous. T’es une
grande-gueule, alors, tu parleras. » Une chaleur dans la gorge, peut-être
le regard des filles, les voix des cuistots. « Allez, Revelli, tu parleras… ».
Tout cela dans le ventre, comme du vin qui mousse.
    Dante marchait avec Lebrun dans les premiers rangs. Gendarmes,
agents

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