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Nice

Nice

Titel: Nice Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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Françoise,
un renard blanc autour du cou, marchait jusqu’à la place Garibaldi, et, si elle
rencontrait Violette, elle la prenait par le bras, la forçant à retourner sur
ses pas, à l’accompagner jusqu’au fiacre. Elle était parfumée, elle embrassait
Violette, elle dévisageait les passants, parlant fort, et cet accent, un signe,
qui faisait qu’on la dévisageait, qui la mettait à part.
    — Te montre pas avec elle, disait Dante. C’est une
pauvre femme – il secouait la tête – c’est une victime. Seulement…
continuait-il.
    L’accent de Françoise, Violette l’imitait, et quand elle
parlait ainsi, pour amuser Lucien, disait-elle, tout son corps lui paraissait
se transformer. Elle se tenait plus droite, elle se cambrait, il lui semblait
que ses seins gonflaient. « Mon petit Lucien, mon chou, nous allons
sortir. Veux-tu m’inviter à danser à la Grande Bleue, après nous irons
dîner à l’Hôtel Impérial, champagne, caviar et tu m’offriras une jolie robe à Haute
Couture, peut-être même un bijou. Oui, c’est ça, un collier, tu veux ? »
    Elle prolongeait la fable, enjouée, modifiant sa voix,
apprenant à parler cette langue semblable et étrangère, chacun des mots qu’elle
prononçait appartenait à une autre personne, son double, paré comme l’est
Cendrillon avant que ne sonne minuit, comme l’étaient ces élégantes qui
sortaient de Haute Couture ou que Violette et Denise Raybaut
apercevaient Promenade des Anglais, devant le casino de la Jetée-Promenade, ou
bien assises dans une de ces voitures automobiles, un long collier de grosses
perles, un rang serré autour de leur cou et l’autre flottant sur leur poitrine
comme une laisse.
    Antoine ou Dante, quand ils l’entendaient parler ainsi,
gueulaient. « T’as fini ? » Ils avaient la même violence.
Antoine, plus rageur, prêt, semblait-il parfois à Violette, à bondir pour la
gifler, et elle se dressait, quittait la cuisine, tirant derrière elle la porte
avec le désir de les abandonner là, avec leurs discours, l’argent qui allait
disparaître demain, quand la révolution… et le pain qui serait gratuit.
    Mais un collier de perles, comment l’acheter ? Et ces
vieilles couturières – et déjà Madeleine, qui n’avait même pas trente ans –
qui donc effacerait la bosse qu’elles avaient toutes, le cou rentré, les
omoplates saillantes à force d’avoir fait glisser l’étoffe à piquer sous
l’aiguille de la machine à coudre, ou bien d’avoir surfilé, courbées sur leurs
genoux ?
    Dante criait aussi : « Tais-toi », mais sa
voix était aiguë, le ton de ceux qui souffrent. Il se bouchait les oreilles, il
ne la regardait pas, les yeux fixés sur l’Humanité, son journal qu’il
avait étalé et dont, souvent, il lisait les passages à haute voix.
    — Les Russes, écoute, écoute de que dit Cachin, les
Russes ont eu le grand mérite d’agir, le mérite suprême de ne songer qu’au
triomphe de la révolution mondiale qui nous libérera comme elle les a libérés.
    Quand, en décembre 1920, la majorité du parti socialiste
avait voté l’adhésion à l’internationale communiste, Dante et Barnoin avaient
entraîné Lucien dans une course autour de la table, jouant comme des gosses. « On
les a eus », criait Barnoin. Dante saisissait Lucien, le soulevait à bout
de bras : « Le grand bolchevik, Lucien Revelli », lançait-il.
    Violette repassait sa jupe à volants, tête baissée,
mouillant son doigt, touchant le fer chaud. Révolution, bolchevik. Même s’ils
avaient raison, qu’est-ce qui changerait vraiment ? Comment était-ce
possible ? La ville était séparée par une rivière, pile et face. Partout
le même partage, et ils étaient du côté où l’on n’a que des restes. Dante
rapportait, enveloppés dans du papier, des morceaux de tarte pour Lucien, il
les posait sur la table en clignant de l’œil. « Elle est bonne, tu sais,
ils l’ont servie ce soir, c’est le chef qui me l’a donnée. »
    Pour d’autres le service de l’Hôtel Impérial, pour ceux
qu’on apercevait l’été sur la terrasse, pendant que jouait l’orchestre tzigane.
Le soir venu, au printemps, ils descendaient à la Grande Bleue, sur la
plage, s’asseyaient au bar, et, de la Promenade des Anglais, Violette et
Denise, en se penchant, les regardaient. Les femmes osaient montrer leurs
jambes et leurs bras nus ; les hommes portaient des pantalons blancs, si
larges qu’ils couvraient

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