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Nice

Nice

Titel: Nice Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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et
grave, l’attitude d’Héléna et le même regard. Elle avait si peu connu sa mère,
pourtant. Elle s’avançait, embrassait Karenberg. Regard plus tendre que celui
d’Héléna ; si douce, sa peau, sa voix. Nathalie allait vers la fenêtre.
    — Tous les deux, disait-elle en se retournant, papa,
vous, on dirait deux frères.
    — Presque, disait Hollenstein, presque.
    Il se levait.
    — Tu joues pour nous ? Un peu ? Ton oncle… –
il prenait Karenberg par le bras. – Ton oncle, ce soir, si tu voulais, je
crois que ce serait excellent pour lui.
    Nathalie le regardait, et Karenberg, devant cette
adolescente, double renaissant de la jeunesse, d’Héléna, à peine différente, se
détournait, l’émotion dans sa gorge agrippant les mots. Il toussotait, se
dirigeait vers la porte.
    — Si tu veux, oui.
    Ils descendaient d’un étage, Nathalie, devant eux,
esquissait un pas de danse sur les tapis rouges. Ils s’installaient dans le
salon de l’appartement aménagé dans un des angles de l’hôtel, du côté de
l’ouest. Nathalie sans partition, l’élan et la joie, c’était les mots qui
venaient à Karenberg, ces derniers mots avant que, les yeux fermés, il se
laissât dériver, amarres rompues. Et déjà…
    — Voilà, disait Nathalie.
    Et déjà il fallait ouvrir les yeux, la voir se lever,
rabattre le couvercle du piano.
    — J’ai manqué, commençait-elle.
    Karenberg l’interrompait d’un geste, il allait vers elle,
l’embrassait, serrait le bras de Gustav Hollenstein, tentait de garder en lui,
longtemps, ce bonheur.
    Il marchait jusqu’à la place Masséna, mais, peu à peu, le
moteur d’une voiture, le cri d’un pêcheur appelant une autre barque – et
la nuit la voix portait loin – ou bien l’air d’un tango, le refrain d’un
chanteur venus du Casino de la Jetée, et ne restait que la nostalgie, comme si
la joie, l’élan, la ressemblance de Nathalie et de sa mère n’avaient été que
manière d’aviver ce sentiment que la vie était perte, chaque moment plein,
mirage pour donner la mesure du gouffre. Fils pour dire l’avenir qui se
rétrécit, fils pour briser le miroir. Cette semaine encore, Jean, qui
s’adressait à Barnoin, à Revelli, aux autres.
    — Ce que dit le camarade Karenberg, moi, je ne suis pas
d’accord. Camarades, moi, je dis non.
    — Ton père…, interrompait Borello.
    Mais Jean se levait, se dirigeait vers la porte du Café des
Quatre-Avenues.
    — Ici, on est entre camarades, seulement entre
camarades.
    La sécheresse de la voix de Jean, la violence de son
mouvement quand il s’était dressé, repoussant la chaise, et il avait fallu que
Barnoin le prenne par l’épaule, le reconduise à leur table dans l’arrière-salle.
    — Il a raison, disait Barnoin, père, fils, ça passe
après les idées justes.
    — Je n’ai jamais rien dit d’autre, avait commencé
Karenberg à voix basse, mais ce jeune camarade se trompe et vous vous trompez
avec lui.
    Jean détournait la tête, dédaigneux, et cette impossibilité
de l’atteindre, cette certitude que son fils était rond, compact comme un galet
que la vérité – ce que je sais, ce que je voudrais qu’il comprenne de moi –
allait glisser sur lui, vague vite retirée, et les autres, Barnoin, Sauvan,
Piget, Revelli, les mêmes convictions, le même refus de connaître. Alors,
Frédéric Karenberg avait parlé de Prilenko, le vieil anarchiste qui s’était
enfui de Petrograd par la Finlande. Il vivait maintenant dans une maison
entourée de figuiers, au bord de la route de Saint-Paul-de-Vence. Prilenko
assis sous le figuier, dans le jardin, et souvent s’écrasait à ses pieds ou sur
la table une grosse figue noire à demi rongée par les oiseaux et les fourmis.
Prilenko tapait avec un seul doigt sur une vieille machine à écrire,
s’interrompait pour approcher ses yeux de la feuille. « Je vois mal,
disait-il à Karenberg, mais je voudrais finir avant. »
    Il racontait l’Ukraine, la cavalerie noire de Makhno, Makhno
le buveur, l’anarchiste qui chargeait avec ses paysans les soldats tsaristes.
    — Les vainqueurs de la Crimée, ce sont les anarchistes,
répétait Prilenko à Karenberg.
    Les paysans de Makhno-le-noir, traversaient les lignes des
tsaristes, mains nues, et déterraient les fusils cachés quelques semaines
auparavant. Puis, sur des charrettes lancées au galop, ils dispersaient les
cadets du tsar. « Ces cadets, disait en riant Prilenko, ils ont

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