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Nice

Nice

Titel: Nice Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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premières marches étaient faciles à
franchir, il était encore loin, de l’autre côté de la rue, elle n’apercevait
que la roue avant de la moto, le bout de la coque du side-car, ses jambes, ses
mains sur le guidon jouant avec les lunettes. Mais, bientôt, elle le voyait
dans l’axe de la sortie, cheveux rejetés en arrière, indifférent aux filles qui
le regardaient ironiquement, et Violette aimait qu’il fût ainsi prêt à les
braver chaque soir, depuis…
    — Ça fait une semaine qu’il vient, disait Denise, tu
devrais savoir qui c’est, il te raconte rien ?
    Il faisait quelques pas près d’elle, il disait : « C’est
encore moi. » Puis, comme elle se taisait : « Si vous ne voulez
pas, je m’en vais, mais je reviens demain. » Il l’accompagnait jusqu’à Haute
Couture, où elle attendait Denise. Elle ne répondait pas. Peut-être parce
qu’elle avait peur de ne pas savoir quoi dire, comment le dire… Cet accent
qu’elle avait, qu’elle essayait de perdre mais qui était fort, comme une odeur
de cuisine.
    — Demain soir, je vous emmène, continuait-il. On va
jusqu’à Juan-les-Pins, vous connaissez ? Il faut un quart d’heure.
    Elle acceptait sa présence, elle l’écoutait. « Tu es
drôle, disait Madeleine Vial. Parle-lui, ou bien flanque-lui une claque, mais
qu’est-ce que c’est ces manières ? Si ton frère te voit… »
    Violette s’était écartée de Madeleine.
    — Mon frère ? Qu’il essaie. Je fais ce que je
veux, tu entends. Est-ce que je lui demande, moi ?
    — C’est un homme, disait Madeleine.
    — Je gagne ma vie, répondait Violette.
     
    — Ça m’amuse de vous attendre, expliquait Philippe. Le
soir, je n’ai pas grand-chose à faire, alors je passe ici. Marrant, de savoir
si vous allez me parler ou pas. Et pourquoi ne me parlez-vous pas ? On n’est
pas dans une forêt, je ne suis pas une bête sauvage. Je vous parle, vous me
répondez, on s’assoit à une terrasse de café. Si on a des choses à se dire, on
se revoit. Sinon, on se serre la main, poliment. Qu’est-ce que vous voyez
d’extraordinaire à ça ? On dirait que vous vivez au Moyen Âge, ici, les
femmes surtout. À quoi riment tous ces préjugés ? Vous ne croyez pas qu’il
faut être plus simple ?
    Pourquoi refusait-elle ? Quelle crainte ? À se
taire, elle se sentait devenir ridicule.
    — Vous ne voulez pas faire un tour, une demi-heure ?
Vous êtes déjà montée dans un side-car ?
    Peut-être avait-elle honte. De son accent. Des mots qui
allaient lui manquer, de l’aveu qu’elle devait faire : je ne suis jamais
montée dans une voiture, dans un side-car. Elle était humiliée de n’avoir rien
d’autre que son corps, et ce ne pouvait être que pour cela qu’il venait,
puisqu’elle ne possédait rien de plus.
    Mais certains soirs, au contraire, quand elle enlevait sa
jupe, son corsage, qu’elle restait en combinaison, allant et venant dans sa chambre,
donnant délicatement un tour de clef pour que les autres n’entendent pas,
qu’elle se regardait, elle était heureuse de faire glisser ses mains sur sa
taille, de sentir sous la soie ses hanches, elle caressait son corps, prenant
ses seins dans ses paumes, et, quand elle retirait sa combinaison, le
grésillement de l’étoffe était comme un frisson, celui qu’elle éprouvait à se
retrouver presque nue, à se regarder dans la glace de l’armoire, elle, Violette
Revelli, dont Denise disait : « Si tu voulais, toi, à Haute
Couture, ils te prennent comme mannequin, ils cherchent, tu sais. Les
filles comme toi, grandes, bien faites, il n’y a que les Russes, et elles
boivent. Alors, si tu voulais. »
    Violette avait vu passer sur leurs chars, au Carnaval, à la
bataille de fleurs de la Promenade des Anglais, les reines de beauté, dans
leurs longues robes pailletées. « Tu es mieux faite, disait Denise.
Regarde leur poitrine. »
    Violette, seule dans sa chambre, se plaçait de profil,
redressait un peu la tête, et, du doigt, suivait la ligne de ses seins. Elle se
couchait, exaltée, puis rompue.
    Reviendrait-il demain ? Allait-elle répondre ?
    Allongée sur le dos, s’obligeant à ne pas bouger, les mains
le long du corps, Violette répétait la scène à mi-voix : « Je viens,
disait-elle, je veux bien faire un tour. »
    Il fallait qu’elle sache chaque mot. Qu’elle ne se laisse
pas entraîner. Qu’elle décide elle seule du moment. Car lui, un homme, un
riche, sûrement, il était de

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