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Nice

Nice

Titel: Nice Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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rebondir, légère,
jaillissante. Dante ou Antoine criait : « Bravo, pa. » Violette
ou Louise cherchait les galets lisses, minces. « Tiens », disait
Louise.
    « Encore, encore, papa », murmurait Violette. Elle
tirait son bras, glissait entre les doigts de Vincente un galet qu’il lançait,
seulement pour elle, la plus petite, la plus belle. Puis, il la soulevait, et elle
se mettait à califourchon sur ses épaules, ses mains croisées sur la bouche de
Vincente, ou bien sur son front, et ils allaient, s’arrêtant souvent. Quand ils
marchaient ainsi sur la grève, après les tempêtes d’équinoxe, Lisa disait aux
fils de ramasser les bois noirs que les vagues avaient poussés loin sur le
rivage. Ils regagnaient la rue de la République par la vieille ville, les bras
chargés de branches humides qui sentaient la mer.
    Avec le déclin du soleil, la chaleur se retirait lentement,
Vincente se voûtait, se recroquevillait, comme parfois dans le lit, quand la
couverture et le drap sont tombés, qu’on sent le froid, qu’on ne sait encore
pourquoi, que le sommeil et le rêve peu à peu se fendent tels les troncs quand
vient le gel.
    La brise des hauteurs, vive et neuve, rejoignait la mer en
même temps que la pénombre, et Vincente rentrait. Il entendait de nouveau les
klaxons, les moteurs de voitures, il avait froid comme si l’eau glacée des
longs éviers de grès de la brasserie, un instant retenue, recommençait à couler
en lui. Il passait sous les arcades de la place Garibaldi, s’efforçant de ne
pas regarder ce bord de trottoir où, il y a plusieurs mois déjà, il avait vu
Violette, Violette-Viola, la plus petite, la plus belle, celle dont il lui semblait
encore sentir les mains sur sa bouche quand il la portait sur les épaules,
Violette qui descendait d’un side-car, et l’homme, ses lunettes relevées sur le
front, la tenait par les bras. Elle restait devant lui grave, immobile, elle
l’embrassait d’un mouvement rapide, se dégageait, et partait en courant vers la
rue de la République, Vincente suivant des yeux sa silhouette de femme.
    Vincente avait regardé l’homme, la machine qu’il mettait en
route et, à chaque mouvement brutal de la jambe, répondait un éclatement qui
envahissait la place, s’interrompait, explosait de nouveau, surprenant Vincente
qui s’éloignait vite pour ne plus entendre.
    Dans l’escalier, alors que Vincente montait lentement chez
lui, d’autres bruits, les voix d’Antoine et celle plus aiguë de Dante, les mots
à demi étouffés de Louise. La porte s’ouvrait, Violette, dont il apercevait le
dos, le bras, et dont la voix haute et fière emplissait l’escalier comme un
éclatement.
    — Mais qu’est-ce que vous êtes ? Vous vous croyez
où ? C’est la France, ici.
    Et Dante, qui devait s’approcher d’elle.
    — Tu les connais pas, disait-il, tu es gourde. Il
couchera, et puis vlan, à la poubelle, une autre.
    Et Antoine :
    — Putain je le tue, je le tue ce type ?
     
    Quelques marches à franchir pour les voir comme des chiens
qui se battent dans la cour, Antoine qui, tout de suite, fermait le poing,
Dante, dont la colère transformait la voix, Violette-Viola, la seule dont les
yeux se remplissaient de larmes quand déjà, plusieurs fois depuis des mois, les
frères s’étaient tournés vers elle. « Il t’épouse ou pas ? »
demandait Antoine, et Violette, méprisante, les larmes retenues au bord des
paupières : « Vous ne pouvez pas comprendre que je ne veux pas. »
    Le désir de Vincente de repartir, de ne pas les découvrir
une nouvelle fois ainsi, debout aux angles de la cuisine, tendus comme les
membres d’un corps écartelé, eux si longtemps assis côte à côte, que Lisa avait
pris chacun à son tour contre elle, et maintenant si différents que Vincente ne
les reconnaissait plus. Ils étaient là, si proches dans sa mémoire, ils
couraient devant lui sur la route du pèlerinage de Laghet, Violette, fatiguée,
s’accrochait à sa veste, Louise, Antoine… Si vite ils avaient changé, à peine
le temps de lancer quelques pierres vers la mer, et la dernière ne ricochait
plus.
    Louise la grise se penchait sur son fils. « Che vouas,
angelo ? » « Qu’est-ce que tu veux, mon ange ? »
Antoine se laissait tomber sur une chaise, ramassait les miettes sur la table,
une à une, puis, d’un revers de la main, balayait le bois. « Du boulot,
ils m’en donneront pas », disait-il. Le service militaire fini, il

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