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Nice

Nice

Titel: Nice Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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disait-elle, ça te plaît ? Moi…
    Elle avait honte de ne pas dire : « J’ai pleuré,
j’ai ri. » Il la prenait par le bras, murmurant, et il tentait de l’embrasser
dans le cou :
    — Toi, quand c’est moi, quand c’est mes idées, même si
tu aimes, il faut que tu…
    Elle se dégageait, montait devant lui dans l’escalier,
devait attendre qu’il ouvre la porte, et quand il était dans le couloir, elle
lançait sans le regarder :
    — S’ils te mettent à la porte de l’hôtel, pour tes
idées, avec moi enceinte, bravo ! On ira revoir les Lumières de la
ville.
    Et elle avait jeté ses chaussures dans un coin de la
chambre, heureuse et triste parce qu’il ne savait que répéter :
    — Enceinte, enceinte…
    Elle pressentait qu’elle venait de s’emparer d’un pouvoir
inconnu, peut-être sans limite, et qu’elle allait exercer autant qu’elle
vivrait, elle, elle seule.
    — Réfléchis maintenant avant de parler, dit-elle
encore.
    Et Dante se taisait.
    Aux Actualités, avant le film, ils avaient montré les files
de chômeurs à Paris, les locomotives qu’on détruisait à coups de masse dans les
entrepôts de Chicago, et des hommes encore, là-bas, dans ces villes aux rues
sans arbres, les mains dans les poches de leur pardessus, des hommes habillés
comme des riches, avec un chapeau de feutre, et qui avaient faim.
    Antoine était venu dîner, un soir, avec Giovanna, des
tresses blondes comme on n’en portait plus, ramenées sur le devant.
    — Pourquoi vous vous coiffez comme ça ? demandait
Denise. Ça vous irait mieux, la permanente.
    — On dirait une Russe, disait Dante, ça lui va bien.
    — Les Russes, les Russes, s’exclamait Denise, qu’est-ce
qu’ils ont ? Ils sont comme les autres, en pire.
    Denise, cet amour de la Russie qu’ils avaient, Dante,
Barnoin, Karenberg, elle ne le comprenait pas.
    — Mais allez vivre là-bas ! disait-elle. Vous
verrez, on meurt de faim… Hier, le journal…
    Mais ils riaient. Ils croyaient tout savoir. Ils
expliquaient tout. Barnoin donnait à Denise une brochure écrite par Barel, leur
grand homme, un instituteur qui revenait d’un voyage en U.R.S.S. À Moscou !
À Moscou ! c’était le titre. « Lisez, lisez, je vous la donne,
disait Barnoin. Lisez seulement la préface, c’est Barbusse, l’écrivain. Vous
savez ce qu’il dit ? Que là-bas c’est un autre monde, il le dit. »
    Denise haussait les épaules. Elle n’avait pas besoin de
lire. Quand ils parlaient de ce qui allait arriver, dans l’avenir, en Russie,
ici, quand leurs idées auraient triomphé, que cette Révolution dont ils
rêvaient se serait produite, elle était sûre qu’ils se trompaient, qu’ils
étaient des naïfs, des enfants. Elle comptabilisait leurs erreurs, comme ça,
sans le vouloir même, mais le Petit Niçois racontait qu’on avait chassé
Trotski, un de leurs chefs, et il disait que là-bas, en Russie, c’était la
dictature d’un homme seul.
    — Ils sont comme les autres, les Russes. Seulement,
vous avez besoin de croire pour marcher, voilà !
    — Toi…, commençait Dante.
    — Quoi, moi ?
    Elle lui faisait face, prête à l’affronter, mais Antoine les
interrompait, parlait des chantiers qui fermaient à l’entrée de l’hiver, des
ouvriers qu’on mettait en chômage.
    — Rafaele, le frère de Giovanna, ils ont commencé par
eux, les Italiens. Il cherche depuis trois semaines. Rien. Rien.
    — À l’hôtel, disait Dante, on a pu empêcher…
    — Pour le moment, coupait Denise. Pour le moment ils
vous ont gardés, mais attends qu’il y ait moins de clients. Et mon père, à la
banque, on le dit, les Anglais, cette année, ils restent chez eux.
    Elle servait le ragoût de mouton avec des courgettes,
paraissait se désintéresser de leur conversation.
    — À l’hôtel, reprenait alors Dante, Hollenstein, il a
compris, on est un bloc.
    Denise, debout devant le réchaud, se retournait.
    — Il commencera par toi. Les autres, ils te regarderont
partir, trop contents de rester.
    — Quand on est un bon ouvrier…, commençait Antoine.
    — C’est ce que je dis.
    Denise s’interrompait, portait les mains à son cou,
s’adressait à Giovanna :
    — Depuis, j’ai envie de vomir.
    Dante lui tendait un verre d’eau.
    — Ça me prend le matin, continuait Denise, et juste
avant de manger… Les odeurs… Il paraît que ça dure un mois ou deux !
    Elle s’asseyait, cependant qu’ils la regardaient,

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