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Nice

Nice

Titel: Nice Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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pas dû, Violette. »
Elle se protégeait d’eux ainsi, plaçant devant elle ces objets qu’elle offrait,
qui les empêchaient de l’atteindre. Elle disait : « Je n’ai pas
arrêté le moteur, il faut que je parte. » Ils l’accompagnaient jusqu’à la
rue.
    — Tu reviens quand ? demandait Vincente.
    — Je ne sais pas. Bientôt, pa.
    Il lui tenait la portière, une voisine était à la fenêtre.
    Violette embrassait encore son père, puis elle démarrait
rapidement, roulant vite jusqu’à la Promenade des Anglais comme si elle avait
craint qu’ils ne l’appellent, qu’ils ne la retiennent. Et elle étouffait,
là-bas, dans le petit appartement de son enfance, rue de la République. Elle
montait en courant les marches du Palais de la Méditerranée, ou bien traversait
les salles du casino de la Jetée-Promenade, ou bien encore s’attardait dans le
hall de l’Hôtel Impérial, retrouvait des copains de la Victorine, Rex, le
patron, qui l’embrassait, disait avec son accent américain :
    — Tu es toujours en retard quand tu viens me voir,
comment veux-tu que je me souvienne de toi ?
    On parlait du prochain film, et Philippe prenait Violette
par l’épaule ou la taille, il chuchotait :
    — Qu’est-ce que tu as ? Triste ?
    Elle l’était. Cela tombait sur elle chaque fois qu’elle les
avait vus, quittés, qu’elle avait cru d’abord se libérer, joyeuse, et Rex ou Philippe
l’avait vue arriver, essoufflée, pressée de les rejoindre, semblait-il. Puis,
après quelques phrases, un verre, elle cessait de parler, se laissant aller en
arrière, se désintéressant, et Philippe, attentif, répétait : « Qu’est-ce
que tu as ? »
    Elle avait envie de retourner là-bas, avec eux, comme
autrefois, s’asseoir à table, dîner d’une soupe épaisse, d’un morceau de pain
et de fromage, entendre le père qui, parce que la soupe était trop chaude,
aspirait, faisant un bruit fort avec ses lèvres, à chaque cuillerée avalée.
Elle était prise de remords au souvenir de sa brève visite. Elle leur avait à
peine parlé, elle n’avait pas vu Dante, Denise qui venait d’accoucher, et
pourtant il suffisait de monter un étage. Roland, leur fils, Violette ne
l’avait aperçu que quelques minutes.
    Elle était là, avec Rex, Katia Lobanovski, Philippe, et
peut-être était-ce ces chants du Sud, cette trompette, l’air des blues, elle se
sentait coupable de leur donner toutes ces heures, sa vie, à ces copains, et
même à Philippe qu’elle aimait bien.
    Parfois, elle se levait, elle disait : « Je
reviens dans une demi-heure. » Rex secouait la tête, faisait mine de la
retenir. « Les Mystères de Violette, disait-il, les Surprises de Violette,
premier épisode. »
    Elle embrassait Philippe.
    — Je reviens, répétait-elle. Tu m’attends ?
    Il sortait avec elle :
    — Quelque chose ? interrogeait-il.
    Elle mentait :
    — Mon père, disait-elle, un mois que je ne le vois pas.
    De nouveau elle conduisait vite, mais, au fur et à mesure
qu’elle approchait de la rue de la République, et déjà quand elle atteignait le
port, elle ne savait plus pourquoi elle voulait les revoir. Il faudrait
inventer une excuse. De nouveau se déguiser. Elle s’arrêtait devant le porche,
montait en courant, sonnait. Ce pas traînant dans le couloir, elle s’énervait
d’émotion et de colère. « Oh ! disait le père en la voyant. C’est toi ? »
Cette façon qu’il avait, à la maison, d’être, semblait-il, habillé de loques,
un vieux pantalon trop large, qu’il boutonnait mal, une chemise rapiécée, un
uniforme de pauvreté et de vieillesse. Elle lui avait offert une robe de
chambre, un costume.
    — Celui que tu as, expliquait-elle, tu le mettras tous
les jours, le neuf, tu le garderas pour le dimanche, non ?
    — Moi, à mon âge, disait-il, j’ai pas l’habitude.
    Il soupesait la robe de chambre :
    — C’est beau. Ça t’ennuie si je la donne à Lucien, ou à
Antoine ? Ça leur va, tu sais ?
    Elle n’entrait pas. Le père était dans l’ombre. Seule la
lumière venue de la cuisine éclairait une partie du couloir. Ils n’allumaient
jamais, économes, avares, et l’électricité n’avait rien changé à leurs
habitudes. Louise sortait de la cuisine. « Qui es ? » « Es
Viouletta », répondait le père. « Viouletta ? » Entre eux,
ils parlaient niçois.
    — J’ai cru…, commençait Violette. Mais je viens de le
retrouver, ce foulard.
    Elle

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