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Nice

Nice

Titel: Nice Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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l’on tente de leur
dire : « Regardez, il faut connaître, apprenez à voir », ils
refusent, comme Alexandre et Nathalie.
    À Cimiez, chez lui, Jean plaça sa moto sous l’auvent
construit près du portail. Il prit l’allée centrale bordée de statues romaines,
bustes glabres absorbant la lumière de la lampe qui, par intermittence, quand
les branches de l’eucalyptus balancées par la brise ne la masquaient pas,
inondait le parc de la villa Karenberg.
    Quand il fut au milieu de l’allée, Jean vit son père, assis
sur la balustrade, autre buste qui se dressait, se découpant sur la lumière.
    L’été, souvent, ils se rencontraient là. Ils éteignaient la
lampe de la bibliothèque, s’asseyaient sur les marches, et commençaient à parler,
à voix basse, d’abord, puis le ton montait. Peggy se mettait à la fenêtre au
premier étage :
    — Frédéric, appelait-elle.
    Le père et le fils se taisaient.
    — Je parle avec ton fils, répondait parfois Frédéric,
quand Peggy insistait.
    — Dis à ton fils d’aller se coucher.
    Elle descendait, s’asseyait dans la bibliothèque, et,
bientôt, ils oubliaient sa présence, recommençant à s’affronter.
    Entre le père et le fils, depuis 1928, la guerre des idées.
Frédéric marquant point après point. Echec de la révolution partout, démontrait-il.
Trotski chassé. Changhai, Berlin perdus.
    — Trotski, je me moque du bonhomme, disait Frédéric,
quoiqu’un homme ce soit toujours important. Mais cet exil, tu comprends ce que
cela signifie ? J’ai tiré mes conclusions.
    Frédéric avait démissionné sans éclat du parti communiste.
    — Tu es d’une autre génération, disait Jean.
Excuse-moi, père, mais le temps est une donnée politique.
    Cette phrase, l’une des armes perfides de Jean, Frédéric ne
l’admettait jamais :
    — Une autre génération ?
    Il s’animait, le visage rajeunissait, les yeux devenaient
bleu-gris, plus clairs encore :
    — L’âge n’a rien à voir. C’est un échec. Un drame et un
échec.
    Il apportait des preuves. La famine, comme l’ombre d’une bourrasque
sur les villages de Russie. Les trains chargés de paysans déportés. Les poètes
qui, là-bas, se suicidaient. Maïakovski. Essenine.
    — Ce sont des faits, criait-il, des faits. Et votre
brochure ridicule, la Russie, un paradis en construction ? C’est avec cela
que vous comptez comprendre la réalité, ces sornettes ? Mais je suis
russe, tu es russe, c’est notre pays.
    Jean faisait face. Il s’adossait à la crise économique ici,
aux injustices. Le gouvernement arrêtait des députés communistes, Cachin,
Marty, Raffin, Thorez. Les scandales financiers se multipliaient, les chômeurs
le matin se rassemblaient devant le portail des usines.
    — Qui défend ce système, qui ? interrogeait
Frédéric.
    Bientôt, ce fut l’Allemagne entre eux comme un drapeau que
l’on s’arrache, Frédéric Karenberg interpellait son fils :
    — Avec qui combattez-vous les nazis ? Pour vous,
les socialistes ce sont des fascistes, donc vous êtes seuls. Et, seuls, les
communistes allemands seront écrasés.
    Il s’approchait de Jean, il le prenait par les poignets :
    — Peux-tu ne pas être fanatique ? Peux-tu
comprendre que vous allez perdre. Vos militants vont vous quitter parce que
vous avez tort.
    Jean s’insurgeait, se dégageait :
    — Nos militants ? Le système les écrase. Dante,
Dante Revelli, tu te souviens ?
    Dante refusait de se présenter aux élections. Il choisissait,
lui aussi, de se retirer. L’épouse, l’enfant.
    — Une femme, un enfant…, commençait Frédéric.
    Puis, pudeur, il s’interrompait, ne reprenant qu’après un
silence :
    — La révolution, à vous entendre, elle était là, à
portée de main. À chaque élection vous avez dit : « Nous allons
gagner. »
    Mais Ritzen, le flic à la retraite, était élu contre Barnoin
en 1928, réélu en mai 1932. Et Hitler l’emportait.
    Pourtant, ce frémissement dans les rues, ce sentiment que ça
ne pouvait plus durer, les chômeurs, les escrocs, que le monde était gros de
quelque chose. Les fascistes qui s’organisaient, Darnand, le fils Merani, avec
l’aide de quelques gangsters, leurs liaisons avec l’Italie.
    — En ce moment, disait Jean, même si je te donnais
raison, comment veux-tu déserter ? C’est une guerre, comprends, une
guerre. Nous, eux.
    Cent fois, cette phrase, le dernier argument de Jean qui
faisait reculer Frédéric

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