Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Nice

Nice

Titel: Nice Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
Vom Netzwerk:
brusquement tirée de sa torpeur par l’eau dont Sam
l’aspergeait. Il était devant elle, torse nu, la cicatrice ourlée couverte à
demi par ses poils gris ; trapu, clignant des yeux, grimaçant, tel qu’elle
l’avait vu le premier jour chez Nathalie et Alexandre, laid. Mais le mot, peu à
peu, s’était vidé de sens.
    Il n’avait qu’un visage différent des autres, plus mobile,
inventant des expressions comme il créait des formes. Et quand elle avait
découvert ces grandes zones sur la toile, diagonales noires, verticales rouges,
cercle blanc hachuré comme une boule en mouvement roulant le long des couleurs
franches, ou bien quand elle avait touché – « Violette, disait Sam,
une sculpture, ça se touche, ne restez pas loin, touchez-la, mettez vos mains
dessus » – ces tiges rigides d’acier que terminait un cône, une
sphère de cuivre qu’un seul point de soudure fixait, elle s’était demandé si
les mots laid, beau n’étaient pas que des habitudes.
    Chez elle, à Cimiez, où il venait pour la première fois, il
s’était promené dans l’appartement, les bras croisés :
    — C’est drôle, avait-il dit, en se laissant tomber dans
un fauteuil, quand on te voit, on ne sait pas d’où tu sors ?
    C’était la première fois aussi qu’il la tutoyait, sans la
prévenir, et elle n’aimait pas cette brutalité, cette façon qu’il avait tout à
coup, parce qu’elle lui avait ouvert sa porte, de se croire chez lui déjà.
    — Je peux vous le dire, si vous voulez.
    Il plissa le nez.
    — Je ne tutoie que les amis, tu sais, seulement les
amis.
    Il se levait, recommençait à faire le tour des pièces.
    — Mon père travaillait le cuir en Pologne, il
ressemelait les chaussures. Tu sais pas ce que c’est un ghetto, dans un
village, en Pologne.
    Il avait parlé une partie de la nuit, puis dit de nouveau :
    — Quand on te voit, on ne sait pas d’où tu viens.
    Elle était assise en face de lui.
    — J’aime la façon dont tu t’habilles, continuait-il, tu
inventes. Ce tailleur blanc, toutes les femmes portent un tailleur blanc, cette
année, mais toi, tu en as fait quelque chose, pochette rouge, foulard bleu et
rouge, ça, tu l’as inventé. Mais alors, dis-moi…
    Il traversait le salon, soulevait des bibelots qu’elle avait
achetés avenue de Verdun, cher, touchait un rideau :
    — Comment peux-tu vivre ici ? C’est un catalogue,
cet appartement, tu es allée avec l’illustration dans un magasin.
Qu’est-ce que tu as inventé, ici ?
    Il tournait sur lui-même.
    — Deux choses, deux !
    Il prenait un pot en grès, celui qu’elle avait demandé à son
père, un souvenir de la mère. Là, Lisa mettait le gros sel, et Violette l’avait
posé sur un guéridon, dans le salon.
    — Ça, tu vois, ça c’est ta marque. Et puis ça.
    Un cadre de cuivre rouge que Dante, pendant la guerre, avait
découpé, assemblé. Et Violette y avait placé une vieille photographie, le père
et la mère pour le dixième anniversaire de leur mariage, debout côte à côte,
Lisa dans une longue robe noire, un jabot de dentelle blanche, Vincente, les
mains derrière le dos, une petite moustache noire barrant son visage, la
casquette horizontale.
    Sam regardait longuement le cadre, la photo.
    — Ne sépare jamais ces deux choses, disait-il, jamais,
l’un c’est l’autre. Ils sont nobles tes parents. Dignes. C’est rare, la
dignité.
    Violette prête à pleurer sans raison.
    — N’aie jamais honte, disait Sam. Le reste…
    Il touchait d’un revers de la main les meubles, une photo
peinte, couleurs bleu et rose de la mer et du couchant représentant, dans un
cadre de bois doré, la Promenade des Anglais.
    — Le reste, disait Sam, tu peux brûler, jeter.
    Il ouvrait les volets.
    — Mais quelle heure est-il ?
    L’aube, un dimanche matin de juin 35.
    — On a parlé, dit Sam, on a seulement parlé…
    Il riait, lui clignant de l’œil.
    — Drôle de première nuit, non ?
    Ils se connaissaient alors depuis sept mois, s’étaient vus
souvent chez Alexandre et Nathalie, à Saint-Paul, ils avaient déjeuné dans des
restaurants de Tourettes, de Gattières, ils avaient vu ensemble les Temps
modernes, et l’Atalante. Violette ne se posait pas de question à
propos de Sam. Il l’amusait, et quand elle l’avait quitté, elle riait seule.
Puis, tout à coup grave, alors qu’elle se déshabillait ou bien qu’elle était
déjà couchée, elle réfléchissait à ce qu’il avait

Weitere Kostenlose Bücher