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Nice

Nice

Titel: Nice Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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dévisageaient. À la tribune dressée face à la cathédrale, Raffin, venu de
Paris, apportait son soutien à Barel et à Barnoin. Le Front populaire, notre
France libre forte et heureuse…, clamait-il.
    Luigi poussait de l’épaule pour avancer, il regardait ces
visages éclairés par des feux de Bengale rougeoyants que les manifestants
avaient accrochés aux façades, le long des rues qui menaient à la place,
incendiant la vieille ville de lumière dorée. Des jeunes gens, brusquement,
comme un rocher devant Luigi. Ils portent un brassard rouge.
    — T’as pas fini d’emmerder le monde depuis un moment ?
Écoute comme les autres.
    Autour d’eux et de Luigi, un grumeau qui se solidifie.
    — C’est un salopard, dit une voix. Un Croix-de-Feu.
    Quelqu’un prend Luigi par le bras gauche, le contraint à se
retourner.
    — T’es un fasciste, alors, tu espionnes ?
    Luigi lève sa main infirme.
    — Vous êtes des lâches.
    La victoire du Front populaire sera la victoire de la
Liberté, notre victoire demain… La voix de Raffin ricoche sur les façades
de la place, elle se mêle à l’écho des haut-parleurs, demain… populaire…
elle est…
    — Fasciste.
    — Laissez-le, c’est un pauvre type, es una rementa –
c’est une ordure.
    Luigi essuie les crachats sur ses joues avec son avant-bras
valide.
    La foule s’écarte. De temps en temps une insulte, une
poussée. « Rementa. » Il atteint le Castèu ne regarde pas
Rose.
    — Je ferme ? demande-t-elle. Tu veux que je ferme ?
    Luigi ne répond pas, il veut voir, écouter ce bruissement de
la foule qui s’éloigne au milieu de la nuit pour envahir le Palais des Fêtes,
un autre soir, et Jean Karenberg, assis à la tribune, à l’extrémité de la
longue table décorée d’œillets rouges, écrase ses doigts sur ses oreilles, pour
effacer ce bruit de couverts et de voix, de verres et de rires qui résonne dans
le hall du Palais des Fêtes.
    — Notre victoire…
    Il entend cependant :
    — Notre victoire, camarades…
    Et, de chaque côté des tables qui ont été dressées dans le
hall, on se lève, bruit de chaises, les poings se dressent.
    — Ce grand banquet populaire de la victoire, en
cortège nous allons…
    On ouvre à deux battants les portes du Palais des Fêtes. Les
banderoles, l’étoile rouge suspendue entre les colonnes se balancent sous
l’effet du vent. Une femme, en face de Jean Karenberg, un chapeau de paille
tressée incliné sur ses yeux, vide son verre, pendant que son voisin, chemise
blanche, nœud papillon, l’entraîne, qu’ils suivent la foule qui se dirige vers
la sortie, s’agglutine déjà boulevard Victor-Hugo, chante, et Karenberg regarde
ces tables recouvertes de nappes de papier, tachées de rouge, ces morceaux de
pain, ces bouteilles, ces verres.
    — Ça va pas ? dit Barnoin. T’as l’air…
    — Un coup de fatigue, dit Karenberg, après ce mois.
    Réunions, cour d’école, arrière-salle de bistrot, Relais
fleuri, Palais des Fêtes, Café de Turin, Bar de la Corse. Camarades, l’unité
des travailleurs… Charles Merani, c’est le fascisme. On vous dit, en Espagne,
le Front populaire, c’est l’assassinat, le désordre. C’est faux, camarades.
L’assassinat, c’est le fascisme. On vous dit, Barel, Barnoin, ce sont les
hommes de Moscou. Les hommes de l’étranger, ce sont les fascistes, les
Croix-de-Feu, les Jeunesses patriotes, qui reçoivent l’argent de Rome, tous ces
Merani, ces Darnand, membres des sociétés secrètes qui travaillent pour les
deux cents familles… Le Front populaire sera la victoire des travailleurs.
L’unité des partis communiste et socialiste, l’unité.
    Ces mots qui reviennent, si souvent prononcés, le temps
d’arrêter le moteur de la moto, déjà les camarades du village ou du quartier
sont là, déçus. « Barel, Barnoin ? » « Il n’y a que moi,
dit Jean. Ils ne peuvent pas être partout, Barel, Barnoin. » Avant
d’entrer dans la salle : « Tu surveilles la moto », dit
Karenberg. Puis l’estrade. Camarades, voter pour Barel, c’est…
    Les mots dans la gorge comme quand on va vomir, et c’est la
fatigue, ou bien le souvenir d’une discussion avec le père, avant de partir
pour le Palais des Fêtes, participer à ce banquet de la victoire, fêter
l’élection de Barel, Frédéric Karenberg qui a accompagné son fils jusqu’au bout
de l’allée, qui le regarde sortir la moto placée sous l’auvent, près du
portail.
    — Tu

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