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Nice

Nice

Titel: Nice Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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militaires sont les plus forts,
mieux armés, les Allemands et les Italiens…
    — C’est pour ça qu’on part, dit Rafaele.
    Un coup de klaxon, Violette va à la fenêtre, elle fait un
signe.
    — Tu veux pas le faire monter ? dit Antoine.
    Elle hésite, coup d’œil à Rafaele, à Giovanna.
    — Ici, dit Antoine, on est des ouvriers, si ça te gêne.
     
    Avec Sam, fini ce temps.
    Elle lui parlait du père et de Dante, de la rue de la
République, de la honte qu’elle avait éprouvée, au début, d’être née sur la
rive pauvre du Paillon, fille d’émigré. Elle racontait, couchée près de lui
dans l’atelier, à Saint-Paul.
    — Il n’y a que deux races, tu sais, disait Sam. Les
hommes et les autres. Les hommes ne sont pas très nombreux. Pas facile de les
reconnaître, parce qu’ils ont le même corps que les imbéciles. Mais avec un peu
d’habitude.
    Il commençait à rire, le torse dilaté par des secousses qui
la gagnaient aussi.
    — Tu renifles, disait-il. Tu te demandes, homme ou
imbécile. Tu sens.
    Il la chatouillait, elle se débattait, et tout à coup Sam
redevenait sérieux.
    — Avoir honte d’être juif, ou fille de maçon, ça
jamais. Il ne faut pas. Les imbéciles essaient de te coller ça sur la peau,
pour que tu sois comme eux. Si tu acceptes ils te tiennent, mais si tu ne
marches pas, jamais ils ne t’attraperont, tu glisses entre leurs doigts, petite
anguille.
    Et Sam posait ses mains sur le corps de Violette.
    — Il vient ou non ? demande Antoine.
    — Je vais le chercher, dit Violette.
    Sam Lasky s’est assis près de Rafaele. Avec sa chemise à
gros carreaux, son cou large aux veines saillantes, il ressemble à un maçon ou
à un paysan. Il retrousse les manches de sa chemise.
    — On mange ? demande-t-il. Ou on passe seulement.
Elle ne m’a pas dit. Si on mange, je voudrais bien des spaghettis. Ça fait longtemps.
Violette porte des pantalons, mais les spaghettis…
    Giovanna hache l’oignon, les tomates, elle découpe le petit
salé en cubes blancs veinés de rouge. L’odeur, bientôt, de l’huile d’olive et
de l’oignon frit.
    Violette qui ne dit rien, Violette en paix, réconciliée.
Elle est là, pour la première fois sans déguisement, face à l’un de ses frères
et aux côtés de l’homme avec qui elle vit.
    — L’Espagne, disait Sam, on parle, on parle.
    Il avait accepté de participer à un meeting au Palais des
Fêtes, Solidarité des artistes avec l’Espagne. La scène tremble sous les
pas des danseurs de la Gobba de Barcelone, la foule se lève, applaudissements
rythmés, couleurs des voix et des costumes rouges, jaunes.
    — Un beau discours d’Aragon, continua Sam. La culture,
c’est la paix, la paix, c’est la culture, et on rentre chez soi. Merde. La politique,
c’est de la merde.
    Il se tourne vers Violette.
    — Tu sais pourquoi je peins ? Pourquoi je me sers
de ça ?
    Il lève ses mains.
    — Il reste quelque chose, tu comprends, une couleur, un
morceau de cuivre. Je sais à quoi j’ai affaire, c’est bon ou mauvais. Avec la
politique, rien.
    Il tape sur l’épaule de Rafaele.
    — Je devrais pas dire ça.
    — Il faut toujours dire, vous savez. Si je pars…
    Rafaele regarde Violette.
    — Si je pars, j’imagine rien, rien. J’ai trop imaginé,
trop jeune.
    Révolution demain quand, en 20, devant les portes en fer des
usines de Turin, les ouvriers en armes montaient la garde, et le drapeau rouge
en haut, le flamboyant panache de la cheminée de briques ternies. Fascisme
crevé quand les miliciens de Mussolini avaient assassiné le député socialiste
Matteotti et qu’on croyait partout que c’était leur fin. Les rats, déjà,
grouillaient sur le pont, abandonnant le régime.
    — Francesco aussi, il imaginait mon frère, il croyait.
    — Vous partez donc ? dit Violette.
    Rafaele se frappe la poitrine du bout des doigts, puis la
tête, il rit.
    — C’est là ou là, qui sait ? Mais je peux pas
faire autrement, je peux pas rester ici. Si là-bas il y a Rosselli, d’autres,
je cherche même plus à savoir ce qui va arriver après. C’est là-bas qu’il faut
aller. E cosi – c’est comme ça.
    Il se remet à manger en roulant habilement ses spaghettis
sur la fourchette, regardant Violette.
     
    Il est parti pour l’Espagne, et Antoine, dans le café, face
à la gare, écoute ces bruits de trains qui s’éloignent. Il pousse vers Edmond
la cassata qu’il a à peine entamée.
    — Tu veux

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