Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Nice

Nice

Titel: Nice Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
Vom Netzwerk:
Comment faire comprendre cela à Sam si ce
n’était pas déjà en lui ? Elle ne savait que dire, en lui prenant le bras,
comme ils entraient dans l’atelier :
    — Des guerres, des risques, il y en a toujours eu, Sam,
toujours. Je suis née en 1903, tu crois que c’était la paix partout ? Il
faut faire comme…
    Elle hésitait à le dire. Il allumait, se plaçait devant sa
dernière toile, les mains sur les hanches, les pieds écartés.
    — Sam, pourquoi tu peins, tu sculptes, si demain tout
ça doit brûler ?
    — Ça ne crie pas une toile qu’on brûle.
    — Il faut penser, reprenait Violette, qu’il vivra
mieux, davantage. Je le crois. Je le crois. Tu entends, Sam ?
    Elle ouvrait les portes-fenêtres, laissant entrer la nuit,
les odeurs de lauriers.
    — Je le crois. Même s’il doit avoir mal, il comprendra
mieux, plus vite. Ma mère, Lisa, une femme douce, forte…
    Violette s’interrompait. Elle n’osait pas dire : « Je
suis allée plus loin qu’elle. » Pudeur. Elle sortait dans le jardin.
    — C’est la vie, c’est comme ça, ajoutait-elle avec
vivacité. Et moi, je suis vivante, vivante.
    Sam s’approchait :
    — Je sais, tu es bien vivante.
    Il s’arrêtait à quelques pas d’elle, il l’observait.
    — Tu es vivante et belle, disait-il, baissant la voix.
    Le désir comme une fleur qui s’ouvre lentement. Violette
tentait de rester hors du cercle, elle secouait la tête :
    — Faire l’amour, comme ça, toujours sans but.
    Sam faisait une grimace, esquissait un pas de clown, prenait
une voix aiguë :
    — Sans but. Mademoiselle veut un enfant par coït.
    Il bondissait tout à coup, la saisissait par la taille, ils
commençaient à se battre en riant.
    Parfois elle se disait qu’elle pourrait, après tout, lui
faire croire qu’elle n’avait pas voulu, mais que, à faire l’amour, les enfants
naissent sans qu’on sache comment. Elle écartait Sam un instant, les paumes
soutenant ses épaules.
    — Si j’étais enceinte, comme ça, par hasard, tu serais
obligé.
    — Je serais obligé, mais tu ne l’es pas.
    Il pesait, elle pliait les bras, le laissait la couvrir de
son corps, lourd, et pourtant elle n’en sentait pas le poids. Sam plaçait sa
bouche dans le cou de Violette, il chuchotait, elle respirait avec lui, au même
rythme.
    Après, elle se levait, s’enfermait dans la salle de bains.
L’eau coulait, glacée. « Tu es bien bête, avait dit Katia. Si tu tiens à
Sam, qu’est-ce que tu attends ? En plus, tu veux un enfant, et lui, je
suis sûre, il ne demanderait que ça. À ta place… Les hommes comme lui, si on ne
leur force pas la main. Tu n’es même pas sûre de le garder. »
    Violette faisait couler de l’eau, longtemps. Pour être sûre.
Pour se laver aussi des paroles de Katia qui revenaient à la mémoire.
    Elle retournait s’allonger près de Sam.
    — Je n’ai pas tiré les rideaux, disait-il, je voulais
te voir arriver, droite et nerveuse, toute fraîche.
    Il l’attirait à lui, il plaçait sa joue contre ses cuisses :
    — Écoute-moi, commençait Violette en se dégageant.
    Elle posait ses mains sur la poitrine de Sam.
    — Pour cet enfant, si tu ne veux pas, moi je ne veux
pas. Ne crois pas que je vais…
    Il prenait la tête de Violette contre son épaule.
    — Je sais, dit-il, je sais bien.
    — Eh bien, si tu ne veux pas, jamais, c’est un risque
que je prends. Je le prends.
    Elle s’endormait vite, calme. Sam se levait, mais, avant de
tirer les rideaux devant les vitres de l’atelier, il regardait Violette. Elle
s’était protégé les yeux avec l’avant-bras replié comme le font parfois les
enfants quand ils ont peur.
34
    9 avril 1937
    L’Éclaireur de Nice et du Sud-Est, page 3.
    MACABRE DÉCOUVERTE DANS LES ROCHERS DU CAP DE NICE
    La police a révélé seulement hier soir la macabre
découverte faite par M. Joseph Tomi il y a trois jours. Cet employé de la
Compagnie des tramways de Nice et du littoral emprunte plusieurs fois par
semaine le sentier du bord de mer qui, à partir de la Tour rouge, permet de
gagner les rochers du cap de Nice. M. Tomi, comme beaucoup de pêcheurs niçois,
pose là ses lignes, avant le lever du soleil.
    Le 5 avril, son attention a été attirée par une masse
sombre à demi immergée. Il s’agissait du cadavre d’un homme. Avec l’aide
d’autres pêcheurs, M. Tomi réussit à hisser le cadavre sur les rochers.
L’homme, d’une soixantaine d’années, avait été ligoté

Weitere Kostenlose Bücher