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Nice

Nice

Titel: Nice Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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elle.
    Elle sanglotait. Elle voulait cesser de pleurer avant que
son père entre dans la cuisine. Elle se levait, baissait le gaz, continuait de
verser le riz. Elle traversait l’appartement, ouvrait une des fenêtres qui
donnait sur la rue de la République, face à l’épicerie Millo. Lucien, un long
tablier bleu lui couvrant la poitrine et les jambes, bavardait avec une
cliente. Il apercevait sa mère, criait : « Une demi-heure. »
Louise retournait dans la cuisine, lavait la salade, dressait la table. Elle se
croyait calmée. Puis, quand elle plaçait l’assiette de son fils, sa serviette,
elle ne pouvait plus, les larmes de nouveau, sans à-coup, comme un corps qui se
vide. Elle murmurait : « Lucien, Lucien. »
    Vincente poussait la porte, regardait sa fille,
s’immobilisait :
    — Oh, Louise, va ?
    — Va papa, va.
    Elle se mordait les lèvres, l’impression que son visage
gonflait de toutes les larmes retenues. Elle égouttait le riz, sans voir, les
yeux serrés. Vincente avait ouvert la T.S.F. offerte par Violette ce jour de
Noël, quand ils étaient tous là, dans la cuisine, Dante et Antoine, les gosses,
Roland, Edmond, Christiane, que Denise gardait sur ses genoux, Giovanna et son
frère Rafaele. Violette était arrivée pour le dessert, des « gances »
chaudes que Louise versait directement de la poêle dans le plat de porcelaine
posé au centre de la table. Elle saupoudrait de sucre. Elle prenait sur le
balcon le saladier couvert d’une assiette. Et quand elle la retirait, que les
gosses apercevaient la crème, ils criaient, Roland plongeant déjà une gance
dans le saladier. Dante retenait son fils par le bras. « Chacun son tour,
disait-il, pas de privilégié, ici. »
    — D’abord les enfants, répondait Louise, laisse-le.
    Lucien faisait un geste – « Attendez » –
descendait à l’épicerie, remontait avec deux bouteilles de vin mousseux qu’il
avait gardées au frais dans la glacière du magasin. Il débouchait la première,
bouchait le goulot avec la paume.
    — Remplis, disait Antoine. L’année prochaine, on sait
pas si on aura le même.
    Violette hésitait sur le seuil de la cuisine. Le silence,
brusquement, tous se tournant vers elle. Denise s’approchait, sa fille sur le
bras gauche, et, de la main droite, elle soulevait ses cheveux :
    — Violette. Assieds-toi, disait-elle.
    Rafaele Sori proposait sa chaise. Violette secouait la tête.
    — Je ne savais pas, je serai venue plus tard,
commençait-elle.
    Vincente embrassait sa fille. Il était devenu plus petit
qu’elle, qui semblait au contraire, peut-être à cause du béret, du col de
fourrure de sa veste qu’elle portait relevé, très grande. Vincente la tenait
longtemps contre lui, prenait le visage de Violette entre ses mains :
    — En ce moment…
    Il n’osait dire : « Tu es belle. »
    — Ça va bien pour toi ? demandait-il seulement.
    Il se mettait à rire, et l’on sentait que tout son corps se
gonflait comme s’il avait posé une caisse de bouteilles et qu’il respirait
enfin librement.
    — Ils sont tous là, mes enfants, disait-il, tous.
    Il se tournait vers les autres, Denise, Giovanna, Rafaele.
    — Quatre. On avait peur, avec Lisa. Qu’est-ce qu’un
enfant deviendra ? Surtout nous, en ce temps-là, travailler, c’était déjà
beau. Mais Lisa, ça, sans elle…
    Vincente baissait la tête.
    — Bois, papa.
    Dante remplissait le verre de Vincente. Edmond voulait boire
aussi, Roland retenait son cousin : « Moi aussi, disait-il, moi aussi. »
Lucien ouvrait la deuxième bouteille.
    — J’ai apporté pour toi, disait Violette.
    Elle revenait du couloir avec un carton. Vincente ému, le
vin, les enfants, là, et cette phrase, comme un refrain qu’il répétait en lui :
« Si Lisa, si votre mère pouvait voir ça, elle, oui, elle qui aurait tant
voulu vous voir plus tard, et maintenant, tous vos enfants, Roland, Edmond,
Lucien, Christiane, elle qui disait : « Plus tard, comme on sera
heureux de les avoir eux. Quatre, c’est difficile, aujourd’hui, mais quand on
sera vieux, ils seront là, tous les quatre, ils seront mariés. »
    Edmond et Roland ouvraient le carton. « Un poste de
T.S.F. », disait Edmond, en se tournant vers son père. Antoine se levait :
« Hé, pa, disait-il à Vincente, elle te gâte, ta fille. »
    Dante enfonçait la prise, le petit écran jaune rayé d’indications
s’illuminait.
    — Moi, murmurait Vincente, la’T.S.F.,

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