Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Nice

Nice

Titel: Nice Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
Vom Netzwerk:
guerre…
    Katia haussait les épaules.
    — Une guerre pour rire, des alertes, des contrôles,
mais il ne se passe rien, reprenait-elle. On chante, on fait des soirées pour
les mobilisés, voilà votre guerre.
     
    J’avais vu dans les salons de l ’Hôtel Impérial les
poneys empanachés sauter des haies de bois blanc sous les applaudissements des
officiers et des dames en robe du soir. Dans le salon aux colonnes, sous les
guirlandes de lampes tricolores que mon père avait accrochées, le député Ritzen
avait remis la coupe au cavalier vainqueur. J’étais avec le personnel de
l’hôtel, nous regardions depuis l’office, les serrements de mains. Nous
écoutions le discours de Ritzen : … notre solidarité aux combattants,
nos soldats, s’est affirmée, ce soir…
    — Y en a qui pendant ce temps se font casser la gueule
en Alsace, lançait Lebrun.
    Je reconnaissais la voix gouailleuse de l’autre électricien
de l’hôtel, je m’approchais de lui.
    — Tu es là aussi, toi ? disait Lebrun.
    Il me pinçait la joue.
    — Fiston, la nôtre, celle qu’on a faite, ton père et
moi, continuait-il, c’était pas la même rigolade, tu sais. Mais celle-là, elle
est de trop. Comédie et compagnie. Puisque Hitler a bouffé la Pologne, pourquoi
on continue ? Et les pauvres cons vont quand même se faire crever la
paillasse. Et pour qui ?
    Il parlait à la cantonade et je l’avais souvent entendu
répondre aux conseils de prudence de mon père :
    — Je les emmerde. Ils m’ont bouffé les poumons en 16,
et maintenant, je dis ce que je veux.
    Parfois, quand j’approchais de l’atelier, je surprenais une
de leurs disputes.
    — Tout critiquer, c’est facile, disait mon père. Tu as
le beau rôle, mais ça fait avancer quoi, ça sert à qui ? Ça te donne des
satisfactions ? Tu te crois malin ?
    — Tu suis, tu files comme un mouton, répondait Lebrun.
T’es un curé à ta façon, tu crois ce qu’on te raconte. Moi, de ta dictature,
prolétariat ou pas, j’en veux pas. Je me démerde. Et je me démerderai. Ils
m’ont eu une fois, ça suffit.
    Contre mon père, je prenais le parti de Lebrun. Il avait
l’audace des mots et des attitudes. Il possédait une petite voiture avec
laquelle nous avions été jusqu’au cap Camarat, au delà de Saint-Tropez. Nous
avions dressé la tente sous la pinède, je marchais sur la plage de Pampelone
jusqu’à un avion de la marine qui s’y était posé, accidenté, et je revenais le
sable séché collé sur mes jambes, la peau brûlante de sel. J’étais surpris de
voir Yvette, la femme de Lebrun, s’asseoir sur ses genoux, l’embrasser. Il
riait.
    — Fais-nous le café, disait-il lui donnant une tape sur
les fesses.
    Cette façon qu’il avait de parler, de se mouvoir, sans gêne,
à l’aise dans la vie, j’aurais aimé que mon père la possédât. Lebrun, pourtant,
n’était qu’un ouvrier comme lui. Mon père n’avait donc aucune excuse. Il avait
choisi le camp des vaincus. Et dans la voiture de Gustav Hollenstein, il se
taisait.
     
    — Vous, Revelli, qu’est-ce que vous en pensez de cette
guerre ? demandait Hollenstein.
    — Pas grand-chose, Monsieur, répondait-il.
    — Vous savez, continuait Hollenstein, on est entre
nous. Katia est une Russe blanche, c’est vrai. Elle n’aime pas beaucoup les
bolchevicks, mais (Hollenstein caressait le visage de sa femme) elle ne vous
dénoncera pas.
    — Qui sait ? disait Katia.
    Elle riait aux éclats, secouant ses cheveux, montrant
Saint-Paul, les hauts murs bruns dans la lumière ardente.
    Gustav Hollenstein s’arrêtait au pied des remparts, près des
platanes où stationnaient des groupes, soldats et paysans mêlés. Un joueur de
boules prenait son élan, le bras à l’horizontale, le corps penché en avant et
je suivais la trajectoire de la boule qui heurtait le sol, tournait sur
elle-même dans le gravier, alors que s’approchaient les badauds.
    Mon père ouvrait le coffre de la voiture, en sortait les
paquets. Je cherchais ma mère. Elle s’éloignait déjà avec Christiane, pour ne
pas rester là, comme une domestique qui attend qu’on lui donne la permission de
sortir. Je la rejoignais au moment où Nathalie et Alexandre apparaissaient sous
l’entrée voûtée du village, Yves, leur fils, marchant devant eux, trébuchant
sur les pavés et Katia Hollenstein se précipitait.
    — Pour tous ces gens, murmurait ma mère, qu’est-ce que
nous sommes ? Regarde, regarde ton père.
    Il

Weitere Kostenlose Bücher