Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Nice

Nice

Titel: Nice Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
Vom Netzwerk:
terminait par un soupir. Je voyais son corps
dessiné par les plis des couvertures, les jambes écartées, le ventre plat,
presque un creux.
    Mon père m’avait pris par le poignet, tiré vers le berceau,
et j’avais aperçu une roseur plissée, boule plus sombre sur le blanc du drap.
Je m’étais dégagé, j’avais couru jusqu’à ma chambre. Mon père venu me
rejoindre, riait, répétait :
    — C’est ta petite sœur, Christiane, qu’est-ce que tu as ?
    Il me semblait que j’avais moins. Moins de la chambre de mon
père et de ma mère. Maintenant, après la naissance de Vincent, moins de mon
grand-père Vincente.
    — Tu es trop lourd, Roland, répétait-il.
    J’ai noué mes mains derrière son cou, il m’a porté quelques mètres,
je me suis alors laissé glisser contre lui :
    — Pourquoi il s’appelle comme toi ? ai-je demandé.
    Nous entrions dans la cuisine, mes tantes regardant Vincent
couché sur le coussin, à demi dissimulé par ses vêtements de laine bleue. Mon
père fumait, assis près de la T.S.F.
    — Vincent, Vincente, vous m’oublierez pas comme ça, me
répondait mon grand-père.
    Je m’approchais de la table, je touchais les mains de
Vincent, froissées, et j’aurais voulu les porter à ma bouche, les mordre comme
je le faisais souvent avec mes jouets, des morceaux de bois ou de caoutchouc.
J’étais sûr ainsi qu’ils étaient à moi, que je pouvais les tordre, y laisser la
trace de mes dents.
    Violette m’a attiré sur ses genoux :
    — Tu étais comme lui, disait-elle, pas plus grand.
    Je regardais mon grand-père.
    — Lui aussi ?
    Ils riaient, même Louise et si je me souviens si bien de
leurs visages, de leurs gestes, mon grand-père Vincente qui nettoyait sa pipe
sur le rebord de la fenêtre, Violette qui disait à Louise : « Alors,
tu me le gardes ? Pour une heure ou deux, je passe aux studios », sa
sœur prenait Vincent par la taille, l’embrassant en l’appuyant contre sa
poitrine, « Si tu veux me le laisser tout le temps » répondait-elle,
si je me souviens, c’est que mon père a crié : « Vous pouvez vous
taire, non ? » Il jurait en niçois, ces syllabes rocailleuses qu’il
lançait parfois chez nous, avant de claquer la porte, et ma mère, bien qu’il fût
déjà sorti, criait à son tour :
    — Tu es bien un Niçois de la vieille ville.
    Vieille ville, j’ai cru longtemps qu’il ne s’agissait que d’un
seul mot, qu’on prononçait avec une moue de dégoût, comme quand on touche
quelque chose de sale.
    — Vierga petan, répéta mon père.
    Il tourna le bouton de la T.S.F. et la voix fit vibrer la
paroi du haut-parleur comme là-bas, les chenilles d’acier faisaient trembler
les ponts.
    Ce matin, à 3 h 35, les troupes allemandes,
infanterie et blindés, ont pris possession des ponts sur la Sûre et la Moselle
et ont pénétré au Luxembourg et en Belgique. Dans un communiqué du 10 mai, 3 h 50,
l’État-Major hollandais a annoncé le franchissement de la frontière des
Pays-Bas par des éléments motorisés de la Wehrmacht qui tentent actuellement de
se diriger vers Arnhem et Roermond. Des parachutistes sont signalés en
plusieurs points du territoire, et de nombreux terrains d’aviation ont été
bombardés tant en Belgique qu’en Hollande. En France le Grand Quartier Général,
en accord avec le gouvernement belge…
    — Cette fois…
    Mon père s’est levé. Je les revois tous, la voix était
passée sur eux, elle se perdait maintenant plus loin : À Paris, les
dernières nouvelles ont été accueillies avec calme, la condamnation de l’Allemagne
par l’opinion internationale ne peut que favoriser… les laissant là, Louise
qui serrait Vincent contre elle et secouait la tête, les lèvres tremblantes,
comme si elle priait, mon grand-père et Violette regardant mon père.
    — Il faut que je voie Sam, dit Violette.
     
    Sam Lasky était venu chez nous plusieurs fois, après notre
visite à Saint-Paul, au début de l’année 40. Je laissais la porte de ma chambre
entrouverte, je me levais pour l’apercevoir, debout les mains dans les poches
d’une longue veste à carreaux blancs et noirs, dont il soulevait le col. Ma
mère répétait de temps à autre :
    — Vous ne voulez pas vous asseoir, Monsieur Lasky, vous
voulez boire quelque chose ?
    Il répondait à peine, s’adressait à mon père.
    — Violette, disait-il, elle fait un gosse, très bien.
Ce n’est pas une raison pour disparaître. Vous

Weitere Kostenlose Bücher