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Nice

Nice

Titel: Nice Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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m’entouraient, un couple qui avait assisté à la
scène s’approchait de nous :
    — Vous le connaissez ? demandaient-ils. Ils sont
fous, on leur donne des armes, ils ont à peine seize ans.
    J’étais l’acteur dans les coulisses, l’acrobate au pied de
l’échelle de corde. La guerre était spectacle.
    Les armées italiennes défilaient dans Nice comme à la
parade, les bersaglieri caracolaient sur leurs motos le long de
l’avenue, les plumes noires de leurs casques fouettant leur visage quand ils prenaient,
place Masséna, un tournant rapide, avant de s’élancer à nouveau entre les
platanes de l’avenue. L’artillerie remontait la rue de France vers la
Madeleine. L’un des policiers militaires qui dirigeaient la cavalcade s’était
placé devant l’entrée de la cour de l’Hôtel Impérial. Il se tournait
vers nous, Christiane, ma mère, moi :
    — Belli, no ? I nostri soldati.
    Ma mère souriait et le geste du soldat se faisait plus vif.
     
    C’était au mois de novembre à la fin de l’après-midi.
    Le matin, alors que nous rentrions avec ma mère du marché,
nous avions aperçu depuis la rue Saint-François-de-Paule, des groupes d’hommes
et de femmes qui traversaient la place Masséna, drapeaux tricolores qu’ils
faisaient tournoyer, mots qu’ils martelaient : Laval au poteau, Nice
française.
    J’obligeais ma mère à s’arrêter, mais elle craignait le
désordre, les cris dans les rues, elle me tirait par le bras.
    — Ils vont se battre, disait-elle, viens, viens.
    Des G.M.R. casqués prenaient position le long des façades,
ils allaient s’élancer au centre de l’ellipse. Ma mère s’éloignait seule, la
peur plus forte que son amour pour moi, mais arrivée au bout de la rue, elle
revenait, laissant ses filets sur le trottoir, me giflait, et je la suivais,
écoutant les cris, distrait bientôt par cet avion qui rasait les toits,
paraissait plonger sur la place Masséna, puis survolait la Promenade des
Anglais, bondissant au-dessus du Palais de la Jetée.
    Mon père était au milieu de la cour avec Sam Lasky. Je
courais vers eux. Les hommes aimaient le spectacle, en étaient les acteurs.
    — Les Italiens seront ici cet après-midi, disait Sam.
Ce ne sont que les Italiens, un moindre mal.
    Je racontais essoufflé la manifestation de la place, le
drapeau que j’avais vu hisser sur la préfecture. D’avoir vu me faisait l’égal
des adultes.
    — Rafaele Sori, reprenait Sam, lui, ils vont le
rechercher. Ils ont leur Gestapo aussi. L’O.V.R.A. n’est pas une plaisanterie.
Il faudrait avertir Violette.
    — Elle ne le voit jamais, jamais, répondait mon père.
Moi je le vois. Il est avec nous.
    — Elle ne le voit jamais, répétait Sam lentement. Elle
a quand même son fils.
    — Violette (mon père avait un mouvement de la main)
Violette, vous croyez qu’elle a besoin d’un père pour son fils ? Elle a
même un autre gosse en ce moment (il se tournait vers moi) :
    — Ça, c’est Roland qui lui a donné, un petit Bernard
Revelli.
    Sam écoutait, riait, puis l’expression changeait :
    — Dante, attention, ça ne fait que commencer.
    Il écrasait son visage, ses joues sous ses doigts, semblant
en modeler les grimaces.
    — Dites à Violette (il prenait son vélo) je vais aussi
changer de nom, d’adresse. Pensez-y pour vous. Vous avez besoin d’argent ?
Vous me rendrez ça. Ici, à l’hôtel, vous êtes trop connu. On ne reste pas au
centre d’une souricière. Pensez-y, Dante.
    Ma mère voulait m’empêcher d’aller en classe dans l’après-midi
mais je désirais voir les soldats défiler dans les rues.
    L’instituteur, debout, appuyé à la chaire, les bras croisés,
les lunettes sur le front, ne regardant aucun d’entre nous, parlait lentement :
    — La ville où vous vivez, c’est un morceau de la
France, vous ne devez jamais l’oublier. Vous êtes des Français, vos pères ont
fait la guerre.
    Il continuait à parler après la cloche et quand enfin
j’arrivais sur l’avenue, les motocyclistes italiens la remontaient, par groupes
de trois, occupant toute la largeur de la chaussée déserte.
    Sur les trottoirs, dans l’obscurité, les badauds se
heurtaient, chuchotaient. Aux carrefours, autour des soldats casqués, quelques
personnes applaudissaient au passage des motocyclistes, criaient : Viva
il Duce, Nizza nostra !
    On s’écartait d’eux, on crachait dans leur direction, une
voix lançait : « Salauds ». Le vide alors

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