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Nice

Nice

Titel: Nice Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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mer,
s’enfonçant en elle, alors que les étoiles de la baie d’Oakland se confondaient
avec les myriades de bulles de sa profonde plongée.
    Je demeurais ainsi quelques instants saisi par le
miroitement du soleil sur la mer vide, sur les vitres des maisons abandonnées
de Roba Capé. Il me semblait tout à coup apercevoir sur les rochers, là où
souvent nous avions été pêcher avec mon père, les silhouettes, taches noires
des marins de la Kriegsmarine et j’entendais les coups de masse que les
ouvriers donnaient sur les poutrelles du Palais de la Jetée. Une barge chargée
de ferrailles passait lentement, longeant le rivage. Déjà il ne restait plus du
Palais qu’un promontoire de fer rouillé où je reconnaissais la balustrade. Là,
je m’étais appuyé, j’avais vu le feu dévorer le roi de Carnaval, j’avais rêvé
de départ, de passerelles, de bastingages, et il ne restait que cette armature
rouillée, des pieux que les vagues recouvraient. Brusquement j’avais peur. Je
découvrais mon enfance détruite en regardant ce Palais démoli. Je m’éloignais.
    Je retrouvais la place Masséna mais la ville privée de la
mer me paraissait être le centre désertique d’un univers continental où le
regard ne rencontre que massifs dénudés, rochers à vif, pierrailles. Les
rivières elles-mêmes, le Paillon, le Var, me semblaient taries, comme si elles
avaient dû prendre leur source dans la mer. Leurs lits étaient de longues
traînées blanchâtres de caillasses et de sable. La ville était bâillonnée et
j’étouffais.
     
    Je traînais dans les rues, je voulais tout voir, les
affiches des miliciens, leur service d’ordre devant le Palais des Fêtes. Je
m’emplissais la tête de leurs cris : Darnand, Darnand, Henriot,
Henriot, de leurs mots.
    Serons-nous bolchevisés, c’est la question que nous
posons à la France. Notre camarade Charles Merani, avocat au barreau de Nice,
vous parle.
    La peur d’être pris se mêlait au plaisir intense de voir.
J’imaginais que quelqu’un allait sortir du Palais des Fêtes, le doigt tendu
vers moi : « Je l’ai vu celui-là, c’est le fils de Dante Revelli, il
est venu dans ce Palais, il a chanté. »
    La chanson me revenait. J’étais sur l’avenue, je sifflais :
     
    « C’est la
lutte finale,
    Groupons-nous
et demain,
    L’internationale… »
     
    Le refrain m’entraînait, mon père m’avait porté sur ses
épaules, je levais le poing, la salle était grise de fumée :
     
    « L’Internationale
sera le genre humain. »
     
    J’ai eu la sensation que je chantais à haute voix, et devant
moi, trois hommes, l’un d’eux en uniforme allemand, et je revois cet écusson,
bleu-blanc-rouge en haut de la manche gauche.
    Tombaient sur moi la glace et le feu.
    Mais rien. Ils parlaient entre eux. Sans doute le chant
n’avait-il même pas dépassé mes lèvres, fort seulement en moi. Je les regardais
s’éloigner, je les suivais jusqu’à ce restaurant de la Milice dont les vitres
avaient été brisées par un attentat. Je restais dans ce quartier, j’espérais
saisir l’instant où un partisan lancerait sa grenade, je m’approchais, je
lisais les affiches, Bolchevisme, Europe, Volontaire Français, ces
hommes à poitrine nue, leurs muscles saillants, je serrais les mâchoires, je
contractais le ventre, je rejetais les épaules, tête droite comme le soldat
d’une autre armée. Je me criais : En avant, baïonnette au canon. Tout se mêlait, lectures, récits, et le jet des lance-flammes qui envahissait
l’écran des actualités.
    Je courais le long du boulevard de Cimiez, résiste soldat,
je courais jusqu’à épuisement, et je courais encore dans l’allée de palmiers,
j’étais fier de ma fatigue, de mon exploit. Ma tante Violette m’ouvrait, me
donnait à boire.
    — Tu es fou, disait-elle, et ta maman ?
    J’hésitais. Ma mère n’aimait pas que je sorte avec Bernard.
    — S’ils le prennent, répétait-elle.
    Elle n’osait cependant pas m’interdire. Comment
l’aurait-elle pu ? Je serais descendu dans la rue en m’agrippant aux
gouttières. Alors elle parlait :
    — Roland, s’il t’arrivait quelque chose. Tu imagines,
moi, qu’est-ce que je deviendrais, tu imagines ?
    Elle me confiait Christiane, m’obligeait à les accompagner
chez nos grands-parents Raybaud, chez les Baudis.
    — Votre mari, maintenant que les Allemands ont fermé
l’hôtel, qu’est-ce qu’il fait ? Vous savez qu’en Allemagne ils

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