Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Nice

Nice

Titel: Nice Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
Vom Netzwerk:
payent très
bien, je lisais hier…
    — Et ta maman ? répétait Violette.
    Je haussais les épaules. Elle n’irait pas à la police comme
le voulait grand-père Raybaud. Elle avait peur de moi. Elle se contentait de
dire à chaque repas :
    — Comment voulez-vous que j’y arrive, toute seule ?
Votre père, celui-là…
    Mais je savais qu’il ne nous oubliait pas.
    On sonnait, je me précipitais. Lui, peut-être. Une femme me
tendait une enveloppe : « Pour Madame Revelli. »
    Déjà elle dévalait l’escalier. J’ouvrais, des billets, des
tickets de pain et de viande. J’en volais quelques-uns, ils venaient de lui,
pour moi. J’entrais dans une boulangerie, je tendais les tickets et l’un des
billets.
    Puis le pain glissé sous ma chemise, je rejoignais Bernard.
Nous courions côte à côte jusqu’aux palmiers.
    Assis dans l’herbe sèche, je brisais ce pain à la mie
gluante. Je donnais une part à Bernard.
    — C’est mon père, tu sais.
    — Ton père, c’est quelqu’un, disait Bernard.
    Je gardais longtemps dans la bouche ce pain dont je voulais
conserver le goût.
12
    La guerre m’a appris les ruses de la mort.
    — S’il meurt, murmurait Louise.
    Lily mettait la main sur la bouche de sa belle-mère.
    — Taisez-vous maman, taisez-vous.
    Louise dissimulait son visage en l’appuyant sur son bras
replié. Elle pleurait sans bruit cependant que Lily, avec des gestes exaspérés,
touchait du bois, se signait, posait sur la table des pommes de terre.
    — Il me reste ça, disait-elle à mon grand-père
Vincente. C’est tout ce qu’il y a au magasin.
    Louise se levait, se mouchait bruyamment.
    — Le malheur, criait Lily, vous l’attirez. Il est
vivant Lucien, alors, attendez qu’il soit mort pour pleurer.
    Elle claquait la porte, revenait, prenait dans sa poche une
lettre froissée, la donnait à Louise :
    — Tenez, il écrit, votre fils. C’est pas le seul
prisonnier, vous savez.
    Mon grand-père Vincente faisait rouler vers moi quelques
pommes de terre, me clignait de l’œil, murmurait :
    — Tu veux en emporter, Roland ? Tu veux les manger
ici, on les fait vite bouillir, c’est bon avec du sel.
    Il se frottait les mains. Je l’embrassais, je dévalais
l’escalier.
    Je ne pouvais jamais rester longtemps avec eux rue de la République.
J’avais envie de me coucher sous un meuble, d’être comme un chat malade, les
pattes repliées sur les oreilles, la tête renversée, la gorge plus blanche
offerte. Il fallait que je les abandonne, Louise, Vincente, pour garder l’envie
de courir. Ils ne parlaient que de Lucien, ils attendaient ses lettres ou sa
mort.
    — Ils ont bombardé Berlin, il est pas loin, je crois,
disait Louise. Ils vont me le tuer, maintenant que c’est presque fini, que les
Américains vont débarquer.
    Je comprenais Lily, sa rage. Je percevais qu’il est des mots
qu’on dresse au-dessus de soi, qui appellent la foudre.
    J’interrogeais Violette dont au contraire l’énergie me
rassurait. Elle confiait Vincent à une voisine qui gardait à la fois la vieille
Miss Russel et l’enfant, et nous prenions les vélos.
    Violette roulait, Bernard à sa gauche, moi à sa droite, les
pans de sa robe boutonnée devant écartés par le vent. Quelqu’un sifflait en la
voyant, chemisier blanc largement échancré, jambes nues.
    — La tante Louise (je criais parce que Violette nous
dépassait et cette course était un jeu entre nous), elle a toujours pleuré
comme ça ?
    Violette ralentissait, me laissait rester à sa hauteur,
posant sa main sur mon dos, s’appuyant à moi.
    — Elle est malheureuse, tu sais. Pas de chance, en 14
celui qu’elle aimait est mort parmi les premiers. Maintenant son fils.
    — Je suis triste quand je suis avec elle, triste. J’ai
même peur.
    Violette s’élançait, debout sur ses pédales, dans la côte
qui conduisait aux studios de la Victorine. Bernard démarrait à son tour et je
tentais de suivre. Devant nous s’ouvrait Le Boulevard du Crime et nous
étions Les Enfants du Paradis.
    Violette nous poussait au milieu des figurants. Je l’apercevais
une dernière fois sur l’estrade, une casquette à visière dissimulant son
visage, parlant au cameraman, à l’homme au porte-voix, puis Bernard et moi,
nous entrions dans le Carnaval.
    Calèches, tréteaux de bateleurs, faux-semblants, masques,
carton-pâte des façades, maisons de toile que le vent trop fort parfois gonflait,
je ne savais plus distinguer le jeu du

Weitere Kostenlose Bücher