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Nice

Nice

Titel: Nice Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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sexe, et parfois j’osais faire
un pas vers l’entrée du Star Hôtel. Mais j’avais peur. Peur de la femme,
peur de la patrouille d’agents cyclistes. Ils empruntaient le passage et
j’imaginais qu’ils allaient m’arrêter, qu’il faudrait que mon père ou ma mère
vienne au commissariat. La honte les tuerait. Il me faudrait fuir la maison.
Aussi je m’éloignais, je me dirigeais vers des rues plus discrètes du côté du
port. Mais je n’osais pas davantage m’approcher de ces silhouettes qui
marchaient lentement, leur corps se balançant.
    Je rentrais. Je comptais mes billets. Je les dissimulais.
Ils donnaient de la vérité à mon projet.
    Demain soir, demain soir enfin. Et je rêvais.
     
    Le matin me lavait de ces désirs. Les soldats sortaient tard
des hôtels. J’avais le temps. Je suivais sur la Promenade les colonnes de tanks
et de jeeps qui roulaient vers la frontière et les hautes vallées où
résistaient, dans des forts ressemblant à des sommets inaccessibles, quelques
troupes allemandes. Je parlais avec les marins assis sur les tourelles des
blindés.
    — C’est con de se faire tuer alors qu’il fait si beau,
tu t’en fous ? disaient-ils.
    Je me dirigeais avec eux vers Roba Capèu. Là, dans l’un des
hôtels, face à la baie, on avait enfermé les collaborateurs. Ils ouvraient
leurs fenêtres, ces rectangles d’or pâle que le soleil prenait de biais. Ils
interpellaient les passants :
    — C’est çà la liberté, ah ! elle est belle la
libération.
    Des parents, depuis la chaussée, criaient des noms,
lançaient des paquets et souvent de la vieille ville quelques jeunes gens surgissaient
poings levés, hurlant : Gestapo, Gestapo, justice, justice. Bagarres,
courses.
    À l’une des fenêtres du premier étage, j’apercevais le
visage rond d’une femme au crâne rasé et quand elle se penchait, je croyais
reconnaître Katia Lobanovsky. Je m’attardais. J’avais le désir de l’appeler « Katia,
Katia ! » Je les avais entendus crier le jour de la Libération :
« C’est la putain de la Milice. »
    Alors je demeurais là, l’imaginant, quand elle n’était pas à
la fenêtre, couchée sur son lit, le corsage lacéré : « À poil la
putain, à poil », avait lancé Catto cependant qu’on la poussait dans un camion.
C’est elle qui servait maintenant de point de départ à mes rêves.
    J’interrogeais Violette.
    — Katia Hollenstein, je l’ai vue, elle est à l’Hôtel
Suisse, à Roba Capéu. Tu la connaissais depuis longtemps ?
    J’étais souvent chez ma tante Violette. J’arrivais après le
déjeuner, je disais :
    — Si maman te demande, je suis là depuis ce matin.
    Elle riait.
    — Qu’est-ce que tu caches ?
    Je sortais d’une des poches de mon blouson un paquet de cigarettes.
    — Je t’ai apporté ça.
    — Tu m’achètes ?
    Elle prenait le paquet.
    — Tu as mangé ?
    Je me nourrissais de biscuits vitaminés, de chocolat, de
rations de survie pour pilote en détresse. J’avais les poches bourrées de
chewing-gum que j’offrais à Vincent. Je m’installais avec ma tante dans le
jardin, j’osais allumer une cigarette.
    — Katia, tu crois qu’elle a vraiment dénoncé son mari ?
    Violette était allongée, les yeux clos, la cigarette au
milieu de sa bouche, les mains sous la nuque.
    — C’est une drôle de fille, elle avait une telle envie
de posséder.
    Elle se tournait vers moi, ouvrait les yeux.
    — Tu comprends ce que je veux dire ?
    — Moi aussi j’aime avoir.
    — Tout le monde, mais quel prix veux-tu payer pour ça ?
Pose-toi toujours la question.
    Sam Lasky arrivait parfois comme nous parlions. Il était
bras nus, la peau bronzée, les sourcils gris formant une barre touffue. Il
soulevait Vincent, me bousculait :
    — Tu es le favori de Violette, hein canaille ? Tu
aimes les jolies femmes ? Ça va bien pour toi ? Tu as du succès ?
Tu baises ?
    Je rougissais, je voulais partir. Il me prenait par le
poignet, fermait le poing.
    — Tu sais te battre ? Tu veux qu’on boxe ?
Ecoute-moi : tu dois te faire payer par les femmes. À ton âge, c’est ça ou
tu es con. Ou alors tu es amoureux. Ça, l’amour efface tout (il me lâchait)
même la connerie. Moi, tu vois, je suis ici parce que je suis amoureux de ta
tante Violette qui ne m’aime pas.
    — Café, Sam ? demandait Violette.
    — Café. (Il me clignait de l’œil.) Tu as vu, elle
esquive. Bonne stratège. Vous êtes tous malins, les

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