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Nice

Nice

Titel: Nice Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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vous
gardent encore pour que vous nous fassiez travailler. Vous êtes des
contremaîtres, je te l’ai dit il y a vingt ans.
    Giovanna, en passant près d’Antoine, le touchait à l’épaule,
pour qu’il se taise. Ma mère montrait qu’elle s’ennuyait, profitait d’un
silence pour dire :
    — Vous savez qui il a mis comme directeur de l’hôtel ?
     
    Carlo Revelli était revenu dans la cour de l’Hôtel
Impérial, poussant du bout de sa canne nos fenêtres entrebâillées.
    — Alors Roland, disait-il, tu montes plus aux figues ?
Ouvre-moi.
    Il entrait en baissant la tête comme s’il avait été trop
grand et peut-être l’avait-il été, mais il était courbé, appuyé à sa canne
comme un arbre à son tuteur. Il regardait les pièces depuis le seuil des
portes, ses vêtements de velours et son chapeau de feutre noir poussiéreux dans
la lumière brutale. Ma mère survenait.
    — Monsieur Revelli ? interrogeait-elle d’une voix
aiguë.
    Il secouait la tête en la regardant longuement, reprenait la
visite de l’appartement et quand mon père arrivait enfin, Carlo Revelli était
déjà au milieu de la cour, montrant les façades à Nathalie, appelant mon père,
et je m’avançais avec lui.
    — Toi Dante, cet appartement, vous êtes quatre, ça
suffit, non ? Et j’ai rien d’autre. C’est ma belle-fille qui va s’occuper
de l’hôtel. Elle est née ici, elle y tient. Vous êtes décidée ?
    Nathalie répondait d’une brève inclinaison.
     
    Ma mère expliquait à Antoine et à Giovanna, s’indignait.
    — Qu’il ait mis Nathalie, ça le regarde. L’hôtel est à
lui.
    — C’est pour le père de Nathalie, coupait Dante, Hollenstein.
L ’Hôtel Impérial, c’est Hollenstein qui l’a fait construire et Nathalie,
tous ses souvenirs. Je les ai vus souvent, dans le salon aux colonnes, Hollenstein
était assis dans un coin, sa fille au piano, c’était beau. Je comprends qu’elle
veuille revenir. Après ce qui est arrivé.
     
    Un dimanche nous avions, mon père et moi, roulé vers Cimiez
alors que déjà les feuilles des platanes voletaient au ras de la chaussée, se
glissant parfois dans les rayons des roues et pour quelques instants le bruit
irrégulier de la feuille prise, frottant contre les fourches, nous accompagnait
puis elle se brisait, fragile, nervures apparentes, brunes sur une peau sèche
et friable.
    Nous posions nos bicyclettes contre le portail principal,
pénétrant dans le parc par une petite porte. Le pavillon du gardien était inhabité,
les ronces avaient envahi son jardin et une mousse verte couvrait le gravier de
l’allée bordée de bustes antiques, glabres.
    Je touchais de la paume ces yeux, ces visages morts et
immuables. Je rejoignais mon père sur les escaliers qui conduisaient à une terrasse.
Dalles des marches descellées, et l’herbe s’était insinuée dans les fissures.
Mon père frappait à une porte-fenêtre, j’apercevais une bibliothèque, le dos
des livres reliés réfléchissant la lumière d’une lampe.
    — Je suis Dante Revelli, disait mon père.
    Une vieille dame, les cheveux gris noués en chignon, le
visage hâlé, nous guidait dans la bibliothèque.
    — Jean, murmurait-elle, est très affaibli. (Elle
s’arrêtait au bas de l’escalier intérieur.) Quand je le regarde j’ai
l’impression de revoir son père juste avant sa mort. Mais Frédéric avait
soixante-quinze ans, Jean en a quarante-deux. Ils l’ont mis dans un état. C’est
inhumain.
    Elle avançait sa main vers moi.
    — C’est votre fils ? Jean sera content de le voir.
Il me parle souvent de vous.
    Elle commençait à monter l’escalier, hochant la tête,
résolue.
    — Il faut qu’il vive, ajoutait-elle, il faut.
Dites-le-lui. Par moments j’ai peur qu’il ne veuille plus.
    J’étais d’abord resté loin du lit où Jean Karenberg était
couché, deux coussins sous la tête, les mains ouvertes sur le drap, si maigres,
feuilles mortes. Mon père s’asseyait sur le lit, entourait l’un des poignets :
    — Tu es revenu, répétait-il.
    — On n’imaginait pas, disait Jean Karenberg.
    Il se levait sur un coude. Sa mère le soutenait et dans le
mouvement j’apercevais les os de l’épaule et du bras, angles vifs qui devaient –
et aussi ceux du visage, maxillaires aigus, lignes tranchantes limitant le
front – déchirer la peau si jaune.
    — Ces camps, personne n’imaginait, reprenait mon père.
    Jean Karenberg fermait à nouveau les yeux, il

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