Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Nice

Nice

Titel: Nice Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
Vom Netzwerk:
baissait la
tête.
    — Non pas seulement les camps, Dante. Les camps c’est
un moment, un aspect. Je veux dire tout, la guerre, et même avant, la
révolution et peut-être il faut aller encore plus loin, l’Histoire comme nous
la faisons, cela (il s’animait, la main sur la poitrine comme pour contenir une
douleur) ce prix qu’il faut payer, c’est cela qu’on n’imaginait pas. Les camps,
bien sûr, mais Hiroshima, est-ce qu’on imaginait ?
    On appelait Peggy Karenberg, elle revenait bientôt avec
Alexandre et Nathalie, Violette, Sam qui restait debout près de moi, parlait à
Peggy à voix basse :
    — Je pars pour deux semaines aux Etats-Unis avec
Violette et Vincent, disait-il.
    Tout à coup Nathalie se mettait à sangloter, s’appuyant à
Alexandre qui lui caressait la nuque. Elle se redressait bientôt, s’excusait.
    — Je vais voir ce que font les enfants, murmurait-elle
en sortant avec Peggy Karenberg.
    — Son père, disait Alexandre. Katia l’a-t-elle dénoncé ?
J’étais sûr. Maintenant. (Il se levait, allait à la fenêtre.) On sait qu’il a
été envoyé à Drancy, gardé par nos bons gendarmes français et puis sans doute
Auschwitz. S’il n’est pas mort avant d’arriver.
    — Il faut que vous ayez un autre enfant, dit Sam. Pour
Nathalie. (Sam s’approchait de Violette.) Tu ne crois pas ?
    Elle était assise au pied du lit, elle regardait longuement
Sam sans lui répondre.
    — Il faut, dit Jean Karenberg.
    — Et vous ? dit Sam. Voulez-vous que Violette vous
ramène des Etats-Unis une Américaine bien saine, qui n’aura pas souffert de la
guerre, qui aura vécu dans le Minnesota ? Qu’est-ce que vous en pensez,
Jean ? Vous n’allez pas laisser se perdre le nom des Karenberg ? Vous
êtes l’Histoire.
    — Ce n’est peut-être plus le temps des Karenberg, dit
Jean (il posa sa main sur l’avant-bras de mon père), davantage celui des
Revelli. (Il me désigna.) Je n’ai jamais été vigoureux comme lui, jamais, j’en suis
sûr.
    Ils se tournaient tous vers moi. Mon père souriait.
    — C’est un travailleur, disait-il. Il est le premier
levé.
    Je le haïssais pour cette confidence, ma personnalité dont
il s’emparait, qu’il agitait devant les autres, marionnette dont il s’attribuait
les mérites.
    — Un Carlo Revelli, pourquoi pas ? dit Sam.
    — C’était une autre époque, dit Alexandre. Nice, quand
mon père est arrivé, c’était le Far West. Il suffisait d’avoir de bons bras.
    — Je ne l’ai jamais révélé à personne, dit Jean
brusquement, mais maintenant, pourquoi pas ?
    Il riait silencieusement, montrait des cahiers à couverture
cartonnée entassés sur la table de nuit.
    — Je lis le journal de mon père en ce moment,
reprenait-il. Les bras, oui il en fallait, mais Carlo Revelli, une nuit, est entré
ici. Il nous a fait un petit emprunt, remboursé d’ailleurs quelques années plus
tard. Avec ça, il a démarré.
    — Sacré oncle Carlo, murmurait Dante.
    — Il a été anarchiste, c’est vrai, dit Alexandre
lentement.
    Il avait appuyé la nuque au dossier de son fauteuil, il
paraissait rêver.
    — Je ne peux pas m’empêcher de l’admirer, reprenait-il.
Il gagne, et il gagne d’une façon qui n’est pas mesquine. Vous savez ce qu’il
fait maintenant ?
    Ses entreprises démolissaient les murs de béton et les
blockhaus construits par elles quelques mois auparavant ; elles
remettaient en état les routes, commençaient les travaux d’élargissement du
champ d’aviation, la réfection du Grand Hôtel des Iles.
    — Il multiplie les projets, continuait Alexandre. Il a
obligé ma sœur à divorcer d’avec Merani, juste avant le procès. Vous savez
qu’ils ont gracié Merani, réclusion à vie.
    — Charles Merani sortira dans sept, huit ans, dit Sam,
quand le vent aura tourné. Je m’excuse, Jean, ajouta-t-il en s’inclinant. Mais
je crois qu’il faut être réaliste.
    — Mon père l’est, ajoutait Alexandre. Le futur député
de la famille, si j’écoute ses conseils, ce sera moi. Que je sois socialiste ne
le dérange pas le moins du monde.
    — Allez-y, allez-y, dit Sam. (Il
montra un cigare à Jean Karenberg, qui fit oui d’un mouvement de tête. Sam l’alluma.)
Je vais peut-être vous paraître stupide, raciste, mais je m’en fous, vraiment
je m’en fous. Il y a deux sortes d’hommes, et ne me parlez pas de race, de
classe sociale, de pauvreté ou de fortune, on en trouve partout, et

Weitere Kostenlose Bücher