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Nice

Nice

Titel: Nice Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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commençaient à le frapper, Ritzen s’interposant,
laissant filer l’apprenti qui se retournait et criait : « Mort aux
flics. »
    — Il aime la fidélité, avait continué Sarraut. Il ne
vous pardonnera pas de le lâcher. Et vous choisissez une ville de carnaval.
Vous jouez à la roulette, Ritzen ?
    Sarraut n’avait pas souri, à peine un mouvement de la
moustache. Il s’était levé :
    — Finissons-en. J’ai ici votre arrêté de nomination. Ce
poste, si vous le voulez, vous l’aurez. Vous avez rendu des services. Il n’est
pas question de vous le refuser. Mais je vous donne quarante-huit heures de
réflexion. Sinon vous prendrez votre retraite à Nice, la vraie.
     
    Ils avaient quitté Paris. Ritzen était nommé commissaire
principal pour la ville de Nice à compter du 1 er décembre 1906. Mais
les chefs de service du ministère lui avaient fait comprendre qu’il valait
mieux qu’il abandonne son bureau, dès le 20 octobre, et Ritzen avait rejoint
son nouveau poste, réapprenant la ville, découvrant les nouveaux quartiers,
consultant les dossiers.
    Marguerite et les enfants prenaient le tramway électrique
pour Antibes, retrouvant la pharmacie Sartoux, place Nationale et dans cette
période intermédiaire, presque des vacances. Ritzen les accompagnait parfois,
s’installant dans la boutique de son beau-père, prenant conscience qu’il aimait
cette région à la population mêlée, ces Anglais ou ces Russes qui entraient
dans la pharmacie vêtus de façon extravagante, ces Italiens pauvres poussant
vers le comptoir des enfants à la tête rasée et demandant une pommade contre
les poux ; ces pêcheurs qui traversaient la place, se dirigeant vers le
port, portant à quatre ou cinq les filets dont les mailles lourdes faisaient
entre leurs épaules, des arcs qui ressemblaient à celui de la baie.
    Ils s’installèrent rue de la Préfecture, dans un appartement
au plafond peint en bleu ciel, les gosses couraient dans les grandes pièces,
les tommettes rouges tremblant quand ils sautaient. Marguerite qui avait
retrouvé l’accent perdu dans la capitale, tentait de les calmer, mais Pierre
s’échappait, hurlant qu’il voulait voir la mer, Jules ouvrait la porte,
dévalait l’escalier.
    Ritzen ne regrettait pas Paris. Quand dans son bureau, il se
faisait apporter les dossiers, qu’il suivait une biographie telle que les rapports
des indicateurs permettaient de la reconstituer, il avait le plaisir des
retrouvailles et des surprises.
    Il prenait son temps. Il savait que ce poste de commissaire
principal, il l’occuperait de longues années à moins d’un événement
imprévisible. Il taillait calmement un crayon, un journal vieux de quelques
années ouvert sur son bureau pour compléter son information. Il lui fallait
établir le lien entre cette ville de 1895 qu’il avait quittée et cette cité qui
comptait vingt mille habitants de plus, qui s’étendait, qu’on électrifiait, où
sous des apparences de futilités, il retrouvait les problèmes de l’époque.
    Ritzen restait persuadé, comme il l’avait entendu dire par
Clemenceau, qu’il n’y a de police que sociale et politique. « La pègre,
c’est une démangeaison, une urticaire, un peu de poudre et ça passe, disait
Clemenceau. L’extrémisme social et politique, croyez-moi, Ritzen, je sais de
quoi je parle, j’en étais, c’est une maladie. Traitez la maladie avant
l’urticaire, Ritzen, toujours. »
    Ritzen commençait donc par les agitateurs. Il consulta le
dossier Sauvan. On avait arrêté le charpentier en 1903, le 29 septembre. On le
soupçonnait d’être le rédacteur de l’appel à la grève générale lancé par un
comité de « solidarité sociale » qui soutenait la grève des charretiers
balayeurs. Condamné pour insultes et résistance aux agents de la force
publique, il était encore signalé en 1904, quand les employés des tramways
avaient renversé leurs voitures pour s’opposer à la charge des gendarmes à
cheval. Ritzen lisait rapidement, il prévoyait le destin de Sauvan, commentait
d’un « bien sûr » une information.
    Sauvan, membre dès la création de la Section Française de
l’internationale Ouvrière, arrêté une nouvelle fois en janvier 1906, place
Masséna pour manifestation lors de la revue militaire donnée en l’honneur des
Grands-Ducs de Russie. Fait partie du Comité de soutien aux révolutionnaires
russes de 1905, animé par le baron Karenberg, également membre de la

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