No Angel

avocats ne dévoilèrent toute la vérité, fut que je ne pouvais me défendre. Mon nom apparut dans les journaux, où on raconta mon histoire improbable et, pour certains, je devins un paria. L’échec de Black Biscuit devint le mien, et l’une de mes plus grandes peurs – l’échec – se réalisa.
    Il était ironique qu’une de mes meilleures opérations d’infiltration eût scellé mon destin. Je n’avais plus de couverture et ne pourrais plus jamais travailler sur le terrain. J’étais si fatigué, à cette époque – parce que je devais me battre contre Gwen et Slats, les Hells Angels et l’ATF –, que je ne me souciais guère de ne plus avoir de couverture, mais cela eut des conséquences inattendues. Mes amis et ma famille comprirent soudain ce que j’avais fait pendant tout ce temps et voulurent tout savoir. Ils voulaient essentiellement que je réponde à deux questions : cela en valait-il la peine ? et recommencerais-je ?
    Je suis heureux qu’ils me l’aient demandé. Cela m’a contraint à une introspection, à examiner qui j’étais et ce que j’avais fait. Il y a peu de temps que je suis en mesure de donner des réponses honnêtes à ces questions. L’infiltration était devenue beaucoup plus que mon métier, c’était en fait ce que j’étais devenu. Il fallait que je redevienne moi-même.
    Au début, je considérais l’opération Black Biscuit comme un combat classique du bien contre le mal. Je savais que l’intimidation et la brutalité auxquelles se livraient les Hells Angels étaient réelles. La violence était leur mode de vie. Du point de vue d’agents de l’ATF tels que Joe Slatalla et moi, traquer et empêcher la violence était aussi un mode de vie. Notre équipe d’enquêteurs d’élite était l’adversaire idéal des Hells Angels, et chacun de nous était fier de s’attaquer à la destruction d’une telle organisation.
    Hélas ! ce n’est pas toujours aussi simple. Je suis personnellement allé au fond des choses et j’ai compris que les Hells Angels n’étaient pas entièrement mauvais… et que je n’étais pas entièrement bon.
    Quand j’ai abandonné Jay Dobyns pour devenir Bird, j’ai plongé la tête la première dans un océan de mensonges. Les Angels feront remarquer que je leur ai sans cesse menti, et même s’ils ont raison pour l’essentiel, je peux dire, en toute conscience, que je n’ai pas triché. Je ne leur ai pas mis d’armes ni de drogue entre les mains, et je ne les ai jamais forcés à commettre ou à avouer des crimes. Il y a assez de vrais voyous, dans le monde… il est inutile d’en fabriquer.
    Après l’opération, les Angels ont beaucoup parlé de moi, et très peu l’ont fait en bien. Quelques-uns nous ont montré du respect, ont affirmé que nous avions joué équitablement et honnêtement, et, à mon avis, c’est ce que nous avons fait. D’après ses premières auditions, Joby a refusé de croire que j’étais flic, à moins de me voir m’asseoir en face de lui et le lui dire de vive voix. Bad Bob Johnston, après avoir obtenu une peine avec sursis, a dit à la presse qu’il n’était pas d’accord avec notre tactique, mais a reconnu à contrecœur que nous étions très bons dans notre domaine. Dan Danza, devenu informateur, a affirmé que nous étions, selon lui, les vrais durs. Sans doute n’était-il pas d’accord avec la loi, mais il appréciait à sa juste valeur la logique alimentée à l’adrénaline du travail d’infiltration. Je considère toujours Danza comme l’un des types les plus durs que j’aie connus, et son compliment compte au nombre des plus importants qu’on m’ait adressés.
    Cependant, pour l’essentiel, les Angels ont minimisé notre succès, en affirmant que Timmy et moi n’étions jamais devenus des Hells Angels. Ils ont placé les chariots en cercle, ont protégé efficacement les meurtriers et les criminels contre qui nous avions accumulé des preuves. Bobby Reinstra est allé jusqu’à affirmer que Teddy et lui avaient compris que nous étions des flics aussitôt après la mise en scène du meurtre du Mongol. Je ne le crois pas, mais je suppose qu’on a toujours raison après coup. Au bout du compte, les Angels ont gagné sur les deux tableaux. Ils se sont approprié la position dominante sans renoncer à contrôler le terrain, ont conservé leur statut envié de hors-la-loi pour lequel ils s’étaient durement battus, et ont pris le dessus sur le droit. Ils sont